Surnommé le rebelle sans cause du cinéma japonais, Kazuhiko « Gôji » Hasegawa est une des figure aussi remarquable qu’imprévisible du cinéma nippon des années 70 à 90.
Après une première expérience comme assistant réalisateur de Shohei Imamura sur le tournage du "Profond désir des Dieux", il rejoint la Nikkatsu où il travaille comme scénariste et assistant réalisateur sur des romans porno. Il y découvre des modes de production express – des films conçus en quelques semaines - et des ambitions complémentaires de son premier contact avec le cinéma – des plans de fesses pour attirer le public afin de se permettre toutes les libertés politiques et formelles. Son contrat n’est pas renouvelé suite à de trop grandes prises de libertés et un certain esprit incontrôlable qui semble déplaire au syndicat communiste de la boîte.
Il réalise alors ses deux films à partir de 1975 : "The Youth Killer" (grand prix de l’âge d’or décerné par la Cinémathèque Royale de Belgique en 1977) et, surtout, "The Man Who Stole the Sun", un joyau du cinéma nippon couvert d’éloges et de prix. Il est considéré comme un des films les plus marquant de l’histoire du cinéma japonais (meilleur film des années 70 selon la revue du cinéma Kinema Junpo, et dans son top 10 de tous les temps ; un des films préférés toutes périodes confondues du rédacteur en chef de Mad Movies....). Derrière toute cette considération, se cachent deux films qui ne font pas d’entrées, ne bénéficient pas d’exploitation internationale et restent longtemps dans un certain anonymat en Occident. Hasegawa interrompt sa carrière de réalisateur pour se lancer dans la production en fondant la Director’s Company.
Cette structure créée en 1982 avait pour ambition d’offrir des conditions de travail à une génération de jeunes réalisateurs pour leur assurer une grande liberté créative. Hasegawa embarque des têtes prometteuses des grands studios comme Shinji Somai ou Toshiaru Ikeda ; des personnalités issues des pinku eiga, ainsi que des cinéastes issus de la scène indépendante adeptes des expérimentations en 8mm que sont Sôgo Ishii et Kiyoshi Kurosawa. Une brochette prometteuse pour un mélange des genres et des ambitions de production particulières : allier les projets racoleurs qui mêlent sexe et violence avec des projets ambitieux qui vont, de fait, être considérés comme des chefs d’œuvre de la décennie. Du slasher, du roman porno, du pinku eiga ou encore des comédies grinçantes, bref, un condensé de films de genre de haut vol mais qui n’auront que trop peu de succès commercial. En 1992, la Director’s Company fait faillite ; plus de trente ans après, les cycles d’hommage s’organisent au Japon à l’heure où Hasegawa est affaibli mais toujours en vie et les restaurations de films commencent à s’enchaîner !
> Pour des raisons de préservation de la copie unique dont dispose la Cinematek, "The Youth Killer", le premier film de Hasegawa, sera programmé à la Cinematek et non au Nova. Allez-y pour saisir toute la cohérence du travail de Hasegawa comme réalisateur, ce serait dommage quand il n’y a que deux films d’en rater un.