Broken view nous raconte l’histoire du Congo colonisé. En filigrane, le rôle joué par l’image projetée de la lanterne magique, dans la construction de la mentalité coloniale. Du belge Etienne Gaspard Robertson qui animait les salons parisiens de ses fantasmagories, à l’explorateur écossais David Livingstone qui actionna la lanterne magique au cœur de la brousse, ces projections ont provoqué dans les esprits un effroi jusque là inconnu, un spectacle qui se confondait avec la réalité, "Désormais entre le spectateur et l’image, il y a la nuit". Ou plutôt les ténèbres… pour servir la double entreprise des conquérants, celle de convertir les sauvages en vertueux chrétiens et celle de s’approprier les richesses d’une terre que le regard colonial considérait comme "un no man’s land sans histoire, ni science, peuplé d’hommes cannibales sans langage". D’une voix multiple, telle le chœur d’une tragédie grecque, Verhoustraete commente les archives, finement agencées dans un magnifique montage-collage. Il révèle ainsi les intentions sous-jacentes de cette fabrique iconographique fétichiste, aussi bien dans les archives amateurs que dans les matériaux de propagande des missionnaires chrétiens. Mais peut-on réparer une vue brisée lorsqu’elle est constitutive du regard colonial ? Briser les apparences pour déconstruire ce regard. C’est ce que réussit avec brio ce film-essai qui nous aide à mieux comprendre le passé colonial qui coule dans nos veines.
→ Rencontre avec le réalisateur du film et Luc Parisel artisan psychanalyste cofondateur du projet Zones de psychanalyse