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À la folie

Réduction des libertés pour se protéger soi et les autres, enfermement, perte de contacts sociaux, surveillance, peurs, contrôle des corps, gestes et consignes obsessionnels, monopolisation des débats et des prises de décision par la science et la médecine... Ça vous rappelle quelque chose ? L’actualité brûlante, inquiétante, envahissante bien sûr, mais pas seulement. Fous, schizophrènes, borderline, inadaptés connaissent bien la chanson. Aujourd’hui, les noces du sécuritaire et du sanitaire sont à l’honneur, celles-là même qui constituent l’origine de la psychiatrie et dont les effets ne font que renforcer l’aliénation. Ne faudrait-il pas réécouter Jean Oury lorsqu’il nous prévenait que "l’aliénation envahit tout, s’infiltre partout ; c’est un processus infiltrant, d’autant plus dangereux que c’est apparemment gentil, aimable" ?

Des expériences en rupture avec l’ordre asilaire ont éclos dès les années quarante laissant espérer un mouvement de fond de grande ampleur. Ce que l’on nomma la psychothérapie institutionnelle remettait en cause le fonctionnement des institutions et développait des pratiques alternatives fertiles et prometteuses. Des initiatives continuent à fleurir et à s’implanter au sein d’une psychiatrie pourtant mise à mal par la position dominante de l’entreprenariat neurocomportemental qui promeut une vision essentiellement biologisante de la maladie mentale.

Le Cinéma Nova avait déjà exploré cette thématique dans une belle programmation "Cinémasile" en 2004. Seize ans plus tard, comment les lignes ont-elles bougé ? Quelles théories sur ce qu’est la folie pouvons-nous concevoir ? Comment le cinéma et les artistes explorent-ils les frontières culturelles et géographiques de l’altérité ? Que nous donnent à voir, à penser, à imaginer les images d’une folie aux mille visages ?

Cette programmation propose des films puissants, dérangeants et inspirants ; peu ou jamais montrés ; ambigus, indomptables, brouillant les frontières et les catégories. Ils feront écho à notre actualité, exploreront la folie intimement liée à la condition humaine et la création sous ses formes les plus insensées, du délire personnel au délire paranoïaque érigé en système politique. Nous avons choisi d’ouvrir et d’inviter, de solliciter le point de vue des fous et de susciter la rencontre et la réflexion. Interroger les expériences, resituer les histoires personnelles, s’autoriser la joie, la légèreté ou la stupeur, découvrir des mondes, se frotter à l’autre, aux tabous et aux limites. Créer des brèches dans les murs érigés sur les frontières entre normalité et folie, qui fluctuent selon les époques et les cultures.

Venez découvrir des films, courts ou longs, des créations hybrides, des conférences, du théâtre, des performances, de la musique... rencontrer des réalisateurs, des patients, des professionnels, découvrir les possibles réinventions de notre champ social avec l’histoire des clubs thérapeutiques, plonger dans la cinémathèque des laboratoires Sandoz, débattre avec l’ASBL Psymages et son réseau de passionnés.
Laissez-vous entraîner dans cet univers à la fois étrange et tellement familier.

En lien avec notre programmation, l’exposition "Danser Brut" à Bozar du 24.09.2020 au 10.01.2021, à ne pas manquer !

Danser Brut



Expo

Vernissage

Triptyques "Erreurs de Szondi", Esther Babun
Une série de pointes sèches issues de photographies tirées du Test de Szondi et d’archives judiciaires. L’aspect des individus varie selon l’interprétation gravée et la perception du spectateur. Une invitation à regarder autrement, sans se laisser piéger par l’uniformisation, la classification ou les apparences.

Tisser des lignes d’erre, Rebecca Fruitman
Pendant une semaine une dizaine d’enfants âgés de trois à cinq ans ont adopté un nouveau regard sur leurs déplacements.
Quelles sont les limites de leurs mouvements ?
Trajets quotidiens et gestes répétés forment-ils des repères ?
Lina, Noor-Fatima, Eve, Léon, Victoire, Len, Maryam, Zeina, Milad Ali, Sheima, Ridwane et Mariama se sont inspirés des lignes d’erre définies par Fernand Deligny pour emprunter un langage graphique propre à la retranscription de leurs observations.
Ce sont les traces de ces recherches qui sont exposées.

Le projet a été mené par Rébecca Fruitman à la WijkAntenne de Quartier de Molenbeek

Pas en noir, Sara Demény & Ágnes Bartók
Une tête sur le rebord de la fenêtre. Une autre qui se ratatine. Un millionnaire SDF. Où vaut-il mieux finir ses jours : dans le secteur fermé d’un hôpital psychiatrique ou dans le jardin fleuri d’une maison de retraite ? Qui décide de qui est fou ? Le quotidien d’un asile psychiatrique vu par une assistante sociale. Illustrations de Sara Demény sur les textes d’Ágnes Bartók.

10.09 > 19:00
Gratis


Jeu

Novarcade

The Binding of Isaac

Edmund McMillen / Florian Himsl, 2011

Pour trinquer à la folie, la Novarcade vous propose de jouer à "The Binding of Isaac" de Edmund McMillen. Vous y incarnez Isaac, un enfant battu qui tente d’échapper à sa mère en s’enfonçant dans les sous-sols de la maison, remplis de sang, de peurs enfantines, de symboles freudiens et de merde, avec pour seule arme, vos larmes. Habitué de la réinterprétation de genres vidéoludiques pour mettre en scène l’oppression de personnages hors norme, McMillen crée sa version des donjons de Zelda où les objets-bonus sont des cadavres de chat, des pilules aux effets aléatoires, des références bibliques. Votre mission n’est plus de sauver la princesse, mais de remonter une chaîne de traumatismes dans la psyché du personnage.



Anne Charlotte Robertson, 1982, US, super8 > video, ang st fr, 90

Anne Charlotte Robertson (1949-2012) a utilisé la caméra comme outil thérapeutique de lutte contre la solitude et la maniaco-dépression. Son opus "Five Year Diary" dresse sur 36 heures une chronique de sa vie quotidienne dans le Massachusetts de 1981 à 1997. Conçu comme un moyen de suivre et de mesurer l’évolution de l’image qu’elle a d’elle-même, et en particulier les fluctuations de son poids, ce journal filmé est devenu une ambitieuse épopée à la première personne, comprenant au total quatre-vingt-trois parties (une bobine par partie) le plus souvent centrées sur un seul événement majeur et mineur : une visite à un parent, une dépression nerveuse, la mort traumatique d’un membre de la famille… Émerge alors un mode d’auto-thérapie vital qui s’exprime à travers les multiples couches de voix qu’elle superpose à des commentaires enregistrés par la suite. Ceux-ci révèlent les émotions profondes et instables qui définissent son monde.
La Harvard Film Archive est chargée de conserver l’œuvre de Robertson. Cependant une partie des films reste indisponible jusqu’en 2022 selon les conditions de son testament.
Pour cette séance nous projetterons les bobines suivantes :
- REEL 2. DEFINITIONS OF FAT AND THIN, DECEMBER 13-22, 1981
- REEL 26. FIRST SEMESTER GRAD SCHOOL, FEBRUARY 28- MAY 20, 1983
- REEL 40. VISITING GRANDMOTHER, MY INSANITY AND WYOMING, JULY 17- AUGUST 26, 1984

+ Anne Collet [Live Soundtrack]

On l’avait entendue au Nova l’année passée avec son trio Cabane Murmure, elle revient en solo pour un Live Soundtrack uniquement bruitiste. Avec une panoplie d’objets, de machines et une présence intime, intercalée et subtile, elle tentera de sculpter un univers sonore propre à amplifier la réalité du journal filmé d’Anne-Charlotte Robertson.

10.09 > 20:00
6€ / 4€


Lukas Marxt, 2019, DE-AT-ES-FR, DCP, de st fr & ang, 74

"Je ne suis jamais véritablement advenu en ce monde." Ralf s’est retiré depuis longtemps dans les terres désolées de Lanzarote. Il vit seul dans les vestiges d’une villa qui surplombe la mer, à deux pas d’un gigantesque barrage abandonné. Rien ne bouge dans ce territoire minéral, si ce n’est la silhouette de l’homme hirsute ou celle d’un chien sans maître qui arpentent les lieux, chacun pour soi, hors du temps civilisé. La voix de Ralf s’adresse à celui qui est venu l’écouter. Elle répond aux questions laissées dans le silence et nous parle d’existence, de survie, de cloison instable entre les vivants et les morts, de l’avenir de l’humanité dans un monde dominé par l’argent et les "compétiteurs". Lukas Marxt suit les cercles hypnotiques de la pensée de Ralf. Il en saisit les fulgurances comme le miroir du fou capte les éclats de lumières dans la nuit. Une vision puissante, organique, ancrée dans la matière physique et mentale d’un homme que l’on dit "schizophrène".

+ Saute ma ville

Chantal Akerman, 1968, BE, 16mm, sans dial, 12

Chantal Akerman a 18 ans en 1968 lorsqu’elle réalise "Saute ma ville", film dont elle est l’unique interprète. Elle y joue une jeune fille qui rentre chez elle et agit de façon de plus en plus incohérente. Enfermée dans sa cuisine, elle vide les placards, se cire les mollets et s’étale de la mayonnaise sur le visage tout en chantonnant un air aux intonations crispées et oppressantes en prélude à un final détonant.

11.09 > 21:30 + 17.10 > 17:00
6€ / 4€


Alexander Kuznetsov, 2016, FR, DCP, ru st fr, 80

"As-tu un rêve ? À quoi rêves-tu ?" L’ouverture du film met directement en question la possibilité même de rêver pour ces personnes vivant dans l’internat neuropsychiatrique au coeur de la province sibérienne que le réalisateur a filmé durant six années, donnant lieu à "Territoire de l’amour" en 2010, puis "Manuel de libération". Alexander Kuznetsov délivre un film d’une grande attention, dans la proximité du parcours croisé de deux jeunes femmes en quête de droits fondamentaux abolis par un diagnostic psychiatrique posé dès l’enfance. Machine médicale et machine judiciaire unilatéralement branchées, faisant bloc et filtrant au compte goutte ce qu’elles jugent recevables. Face à l’administration kafkaïenne, opaque et cafardeuse, deux récits de vie depuis cette communauté disparate de laissés-pour-compte tournant sur elle-même, mais où la profondeur des liens, filmés avec une immense délicatesse, s’érigent comme ultime recours contre l’arbitraire de leur condition.

12.09 > 21:30 + 20.09 > 15:00
6€ / 4€


Olivier Zabat, 2019, FR, ang st fr, 107

"Si on a honte de ce qu’on est, il est très difficile de se rétablir" nous enseigne Ron Coleman, relevant une manche pour arborer le "Psychotic and proud" qui orne son épaule. Lui est entendeur de voix. Avec sa femme, Karen Taylor, ils réunissent dans leur maison en Écosse des "entendeurs de voix" venus de toute l’Europe. En groupe, ils cherchent les moyens de s’affranchir de la psychiatrie, de se débarrasser de l’étiquette de "schizophrènes" qui les marginalise. À travers des sculptures, des séances d’écriture ou d’enregistrements sonores, ils tentent d’extérioriser ces voix hostiles et menaçantes avec lesquelles ils cohabitent. Avec "Arguments", Olivier Zabat fait exister ces univers imperceptibles pour nous, mais pourtant bien réels pour certains. Avec beaucoup d’humilité et de sensibilité, le cinéaste nous livre un documentaire engagé, sobre et juste, construit comme une mosaïque de portraits d’êtres habités par des voix avec lesquelles ils essaient de négocier. Un film profondément humain, où le collectif et la création l’emportent sur la peur.

13.09 > 17:00
6€ / 4€


Film + rencontre

Tremor

Annik Leroy, 2017, BE, DCP, vo st fr & nl, 98

"C’est toujours la guerre. Il n’y a pas la guerre et la paix, il n’y a que la guerre". "Tremor" raconte l’expérience de la violence, du pouvoir, de la résistance et de la guerre. La guerre que le feu doit mener sous la terre pour surgir des volcans. Les cadres renversés qui chavirent le spectateur et défient les lois du cinéma et de la gravité. Les paysages dont l’horizon dressé ressemble à l’éclair de beauté qui traverse tout le film. La guerre des murs et des portes fermées contre la liberté. La violence que les sangles et les cordes exercent sur les corps aliénés. Au bord de la folie, le pouvoir qui se renverse sans cesse dans les tréfonds de l’âme. La lutte contre le pouvoir. La résistance de la poésie à la violence du fascisme. La guerre que le capitalisme mène contre la vie. La violence des mots qui coule dans les fleuves et les vallées, les gazoducs et les tuyaux ; qui jaillit des cheminées des chambres à gaz. Les traces de la violence, les vestiges de la guerre. La guerre que les notes de musique livrent au chaos pour former une mélodie. Le langage qui résiste, et chaque mot qui cogne comme une claque.

Projection introduite et suivie d’une discussion avec Annick Leroy.

13.09 > 20:00  
6€ / 4€


Film + rencontre

Mitra

Jorge León, 2018, BE, vo fr st nl, 90

Hiver 2012. Internée contre son gré dans un hôpital psychiatrique à Téhéran, Mitra Kadivar, psychanalyste iranienne, lance un appel à son collègue français Jacques-Alain Miller afin qu’il intercède pour sa libération. S’inspirant de leur correspondance, Jorge León se lance dans l’écriture d’un livret d’opéra et filme les sessions de travail des musiciens. En même temps, il va à la rencontre de personnes internées dans un hôpital psychiatrique en France, afin de recueillir les voix et les cris de ceux qui, comme Mitra, ont quitté la communauté des humains pour plonger dans la solitude de l’enfermement. Avec son film, Jorge León offre à chacun d’eux la possibilité de se ressaisir de sa propre histoire et de prendre part à une création plurielle, inclassable et puissante. Ce geste artistique révèle que tout abord de la folie comporte une dimension politique.

Projection introduite et suivie d’une discussion avec Jorge León.

17.09 > 19:00  
6€ / 4€


Robert Kramer, 1984, video, vo de st fr, 114

Ovni de cette programmation, film dans un film, Kramer balade sa caméra sur le plateau de tournage de "Wundkanal" de Thomas Harlan (fils de Veit Harlan, cinéaste propagandiste nazi très apprécié du Reich) qui souhaitait engager un véritable criminel de guerre pour le rôle d’un ancien SS censé répondre dans un tribunal à huis clos de ses actes commis pendant la période nazie. Sur le tournage, l’équipe de Harlan se trouve alors aux prises avec cet octogénaire, docteur Alfred Filbert, qui a dirigé et pris part personnellement à plusieurs massacres de masse contre les populations juives de Lituanie et de Biélorussie. Il fut arrêté en 1959, puis jugé et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat de 6800 personnes. Il est néanmoins libéré en 1975 pour raisons médicales. Kramer, avec une extrême finesse, s’immisce au cœur du trouble provoqué par la présence de cet homme dont l’histoire nous est révélée par Thomas Harlan. Bouleversant !

17.09 > 21:30 + 04.10 > 15:00
6€ / 4€


Marie Losier, 2011, FR, video, ang st fr, 72

Genesis P-Orridge, artiste performeuse, musicienne, figure de proue de l’underground anglo-saxon et originaire de Manchester, réside depuis le début des années 2000 à New-York où elle fait la rencontre dans un donjon BDSM de Lady Jaye qui devient membre de son nouveau groupe Thee Majesty. Les deux femmes se lancent alors dans une expérimentation hors-norme, cherchant par la chirurgie plastique à devenir physiquement semblable, dans l’idée de créer deux parties d’un nouvel être, un être "pandrogyne" qui s’appellerait "Genesis Breyer P-Orridge". Marie Losier, avec une grande habilité, retrace l’histoire de cette double transformation sur fond d’un amour inconditionnel prêt à bousculer les limites corporelles, artistiques ou sociales. C’est la rencontre sulfureuse de la poudre et du canon ! Cette projection s’érige malheureusement en hommage posthume suite à la disparition toute récente de l’artiste (mars 2020) à l’âge de 70 ans, treize années après celle de Lady Jaye... The show must go on !

+ Min Tanaka à La Borde

Joséphine Guattari & François Pain, 1986, FR, video, vo fr , 24

Le butô, cette danse du "corps obscur" née au Japon dans les années soixante, est offerte aux pensionnaires et aux membres du personnel soignant de la clinique de La Borde par Min Tanaka, danseur japonais, sur une invitation de Félix Guattari, psychanalyste. Une expérience "chaosmique" où se mêlent humain et animal, minéral et végétal, enfant et vieillard, fou et mendiant.

La séance du 9 octobre sera introduite par la réalisatrice Marie Losier, suivie d’une discussion.
Dj au bar le 18 septembre après le film (sous réserve)

18.09 > 21:30 + 09.10 > 21:30  
6€ / 4€


Peter Mettler, 1982, CA, video, vo ang st fr, 83

"Scissere" s’ouvre sur une transe rythmée par des éclats de lumière vibrants. L’œil dévore couleurs, formes et reflets à la surface de l’eau, dans le désordre des feuilles et l’épaisseur d’une forêt. Le premier visage rencontré est celui d’un jeune homme entre quatre murs. La caméra le suit comme une ombre dans les couloirs d’un hôpital. Sur le seuil de la porte, il se retourne et nous plongeons dans son œil. Le film est dédié à Bruno Scissere, un jeune homme que Peter Mettler a rencontré dans un centre de désintoxication. Hors des murs de l’hôpital psychiatrique, le corps du jeune homme se dissout dans le chaos de la ville. Sur sa route, trois personnes entrent dans son champ de vision, l’œil-caméra fusionne avec chacun de leurs regards et se diffracte dans une vision hallucinée. Nous voilà embarqués dans l’errance de ces êtres qui se croisent sans se rencontrer dans les marges du monde.

20.09 > 17:00 + 01.10 > 19:00
6€ / 4€


Film + rencontre

Les Heures Heureuses

Martine Deyres, 2019, FR-CH, DCP, vo fr st ang, 77

Dans "Les Heures Heureuses", chaque mot et chaque image sont pesés pour nous plonger dans l’histoire depuis les années trente jusqu’aux années septente, et dans la vie quotidienne d’un asile aujourd’hui devenu légendaire : l’Hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole. Avec beaucoup de poésie et de sensibilité, Martines Deyres utilise des images d’époque, nourries par les témoignages de paysans devenus infirmiers grâce à l’enseignement du psychiatre révolutionnaire Francesco de Tosquelles. Ces paroles sans détours livrent la réalité pratique des occupants de Saint-Alban. Les récits intimes de certains pensionnaires créateurs (Forestier, Sirvins, Arneval) s’immiscent dans le déroulé du film. On croise aussi Paul Eluard, réfugié à Saint-Alban pendant la guerre, Jean Dubuffet venu glaner des oeuvres et bien d’autres noms célèbres. Le film prend l’allure d’un conte où se mêlent résistance au nazisme, art brut, surréalisme, nouveau regard sur la folie, socialisation par le travail, invention des clubs thérapeutiques et naissance de la psychothérapie institutionnelle.

20.09 > Projection introduite et suivie d’une discussion avec Martine Deyres.
25.10 > Projection suivie d’une discussion avec Tatiana Veress, Marceline Chauveau et Alix Hubermont d’Art et Marges musée.

20.09 > 19:00   + 25.10 > 17:00  
6€ / 4€


Martine deyres, 2015, FR-CH, DCP, fr st ang, 89

"Le précaire c’est la base de l’organisationnel, si dans une communauté il n’y a pas de précaire, c’est un camp…" Dernière interview de Jean Oury, fondateur de la clinique de La Borde en France dans le Loir-et-cher, un des lieux les plus inouïs de la prise en charge de la folie humaine, "Le Sous-bois des insensés" dévoile la parole d’un maître sage. Indéniablement maître psychiatre après 65 ans de pratique avec des psychotiques et certainement plus sage que psychiatre pour avoir su élaborer, commenter et enseigner une approche subtile et profondément humaine de la folie, Jean Oury trace les lignes fondamentales de sa pensée en peuplant son récit de références littéraires et d’anecdotes vécus. Sa voix est douce, posée, agréable à entendre, même si de temps à autre un "Faut pas se ficher du monde !" lui échappe. Car au-delà de cette bienveillance qui le caractérise, il incarne un engagement ferme contre tout ce qui nous pousse vers le concentrationnaire, ce qui nous transforme en "petit soldat" privé de liberté.

18.10 > 17:30
6€ / 4€


Jan Svankmajer, 2005, CZ, 35mm, vo cs st fr & ang, 115

Librement inspiré de deux nouvelles d’Edgar Allan Poe et du Marquis de Sade, cette fiction baroque et transgressive évoque l’apprentissage de la folie humaine à travers le personnage naïf de Jean qui découvre l’ambivalence absurde du monde. Cauchemars, hallucinations, figures et situations grotesques, décadence, humour noir, mise en scène vivante de "La liberté guidant le peuple"... Le tout est ponctué d’innombrables morceaux de barbac animés, chers au "maître tchèque de l’animation". Pour Jan Svankmajer, ce film relève de l’horreur et propose un débat idéologique sur la façon de gérer un asile en explorant une voie médiane entre liberté totale et enfermement coercitif, et en choisissant les pires aspects des deux solutions comme métaphore de nos vies. Un voyage initiatique surréaliste, satirique, imprévisible, loufoque et réjouissant au cœur de la folie. Déjà montré en 2007 au Nova, nous ne résistons pas à le reprogrammer tant il résonne avec notre thématique.

25.09 > 21:30 + 18.10 > 15:00
6€ / 4€


Joris Lachaise, 2014, FR, DCP, vo fr st ang, 93

Dans l’hôpital psychiatrique de Thiaroye en périphérie de Dakar, ce sont les malades qui nous parlent. Leurs paroles témoignent de leur difficulté à comprendre le monde. Ils nous questionnent, remettent en cause nos certitudes. La maladie mentale est envisagée comme s’inscrivant dans les malaises d’une société post-coloniale. L’écrivain Khady Sylla livre son expérience de la maladie mentale tout au long du film. Sur les pas du Docteur Henri Collomb, pionnier d’un rapprochement entre médecine occidentale et médecine traditionnelle, les scènes de transe et rites magiques, loin de tout folklore, sont ici d’autres façons de soigner.

26.09 > 18:00 + 22.10 > 21:30
6€ / 4€


Joshua Oppenheimer, 2012, GB-DK-NO-GB, video, vo tl st fr & ang, 120

Indonésie 1965. Le général Soeharto se sert de gangsters et d’organisations paramilitaires pour exécuter plus d’un million de personnes accusées d’être communistes. Aujourd’hui, ces hommes participent au régime corrompu et continuent de persécuter leurs opposants en réprimant toute forme d’organisation politique et syndicale dans les villages. Joshua Oppenheimer tente de recueillir les témoignages des victimes des massacres de 1965, mais les interventions brutales de la police rendent ce projet impossible. Une survivante lui dit alors que la meilleure manière de faire comprendre au monde la nature de ce régime de terreur est de filmer la vantardise des tortionnaires. Pendant sept ans, il filme ces hommes dans leur quotidien de criminel et leur donne les moyens de mettre en scène leur version des massacres. De leur imaginaire imbibé de westerns et de films de gangsters hollywoodiens surgissent des scènes d’interrogatoire et d’exécution stupéfiantes et grotesques. Un film hors du commun dont on ne sort pas indemne.

26.09 > 20:00 + 25.10 > 21:30
6€ / 4€


Jen Debauche, BE, vo fr , 80

"Je travaillais pour la Commission européenne, je pilotais un séminaire au Portugal, je dormais 3 heures par jour. Un matin, au lieu d’aller à mon bureau, j’ai acheté une hâche et l’ai apportée devant la directrice du département qui m’avait embauché…" Bruno raconte calmement cet épisode de sa vie, il en est sorti. Personne n’est à l’abri d’une traversée du miroir en territoire de folie. Les témoignages poignants et fascinants de cette création sonore nous plongent dans une matière fictionnelle intense. La maladie n’est pas que souffrance, elle est aussi matière à réfléchir, à questionner, à inventer.
On connait bien les films expérimentaux en pellicule argentique de Jen Debauche au Nova. Cinéaste d’exception et co-fondatrice du laboratoire cinématographique d’artiste LABO BxL, elle déploie ici une nouvelle facette de son travail en abordant le documentaire avec brio, tant dans l’approche que dans le choix des intervenants.

Ecoute introduite et suivie d’une discussion avec Jen Debauche.
(Camouflage - Collage en illustration de Lucile Desamory)

03.10 > 17:00  
6€ / 4€


Films + rencontre

Lenz

Andras Szirtes, 1984, HU, 35mm, vo hu st fr & ang, 100

"L’humanisme triomphera ! Et le monde deviendra un immense hôpital plein de patients et d’infirmiers très humains." Celui qui prononce ces paroles est-il un moine ermite perdu dans les sommets ou une des nombreuses projections que Lenz matérialise par sa pensée ? Lenz est chercheur en physique nucléaire. Suite au diagnostic alarmant de son "dosimètre", il doit partir en retraite dans les montagnes. La nature trop proche trouve en lui des échos inquiétants et amplifie sa folie latente, celle du scientifique clairvoyant. "Lenz" est une adaptation du magnifique texte éponyme de Georg Büchner considéré comme la première nosographie de la schizophrénie. Chaque plan du film est une surprise esthétique. Szirtes recrée le paysage mental de Lenz en utilisant son savoir-faire d’expérimentation sur la pellicule pour mieux évoquer le caractère transcendantal des pérégrinations du chercheur fou. Un chef d’œuvre trop peu visible que nous avons la chance de vous montrer en 35mm en présence du réalisateur.

Projection introduite et suivie d’une discussion avec Andras Szirtes.

03.10 > 20:00  
6€ / 4€


Courts métrages

Compil folle

+ Le ventre un supermonde

Boris Lehman, René Paquot, 1973, BE, super8 > video, vo fr , 20

La reine enceinte jusqu’au yeux débarque dans son palais, accueillie à coup de bâton par ses serviteurs en pyjamas rayés. Dialogue entre asile et enfer, mère et cerveau, cette fiction surréaliste a été réalisée par les membres du Club thérapeutique Antonin Artaud à l’époque où Boris Lehman y animait un atelier cinéma.

+ Scrapbook

Mike Hoolboom, 2015, CA, super16 > video, vo ang st fr, 18

En 1967, le photographe Jeffrey Paul va à la rencontre de jeunes autistes en milieu psychiatrique et les invite à se filmer. Parmi eux se trouve Donna Washington. Cinquante ans plus tard, Mike Hoolboom la retrouve et lui montre les films. "Scrapbook" propose une composition sensible de ses images d’archive à partir du regard singulier de Donna sur son propre corps et celui des autres, humains et non-humains.

+ Natpwe, le festin des esprits

Jean Dubrel, Tiane Doan Na Champassak, 2012, FR, 16mm > video, sans dial, vo, 31

Laissez-vous posséder par ce voyage envoûtant au cœur du pèlerinage annuel de Taungbyon, au Myanmar ! Pendant cinq jours, entre stupeur et transgressions, croyants et médiums entrent en transe collective et partagent le festin des esprits. L’ultime film psychédélique de notre programmation !

+ Morsures

Denis de Wind, 2018, BE, DCP, sans dial, vo fr , 6

"Si je viens c’est pour papa." Le protagoniste présente au médecin des blessures infligées par un père, dont ni l’un ni l’autre ne connaissent les raisons. Ou comment un esprit malade disparaît petit à petit.

+ L’homme machine

Denis de Wind, 2017, BE, video, sans dial, vo, 12

Après un accident de la route, le docteur Van Cut expérimente en première mondiale le remplacement du cerveau par une machine. Comment cet homme nouveau arrivera-t-il à aimer, à manger ? Une métaphore sur une vie structurée par l’institution, conçue en improvisation avec des personnes handicapées.

09.10 > 19:00 + 24.10 > 18:00
6€ / 4€


Jean-Marie Massou est décédé le 28 mai 2020 à septante ans. Il ne savait ni lire, ni écrire et vivait totalement seul, isolé en pleine forêt dans le Lot. Véritable figure vivante de l’art brut (il était la figure centrale du film "Le plein pays", montré au Nova), Massou a subjugué son monde quand, pendant plus de trois décennies, il creusait des gouffres gigantesques et des galeries souterraines à la seule force surhumaine de ses bras pour créer ce qu’il nomme "Le Temple", autant qu’il enregistrait des centaines de messages et de rêves prémonitoires sur cassettes audio ou gravait des centaines de pierres et rochers tout autour de sa propriété. Lui appelait cela sa "mission". "La Mission universelle" qui vise à prévenir l’humanité que le monde va à sa perte, qu’il s’agit de protéger ceux qui restent... Lors de cette séance, le collectif La Belle Brute (qui a édité ses disques) présentera quelques points de vue sur son travail, à travers plusieurs axes nourris de matières à voir ou à entendre, des complaintes, des rêves, des messages, des films, des photos, ainsi que sa passion pour le cinéma et le projet de fiction entamé avec lui… La séance sera suivie d’un mix musical de La Belle Brute dans le bar (sous réserve).

10.10 > 19:00  
6€ / 4€


Anne Charlotte Robertson, US, super8 > video, ang st fr

Anne Charlotte Robertson (1949-2012) a utilisé la caméra comme outil thérapeutique de lutte contre la solitude et la maniaco-dépression. Son opus "Five Year Diary" dresse sur trente-six heures une chronique de sa vie quotidienne dans le Massachusetts de 1981 à 1997. Conçu comme un moyen de suivre et de mesurer l’évolution de l’image qu’elle a d’elle-même, et en particulier les fluctuations de son poids, ce journal filmé est devenu une ambitieuse épopée à la première personne, comprenant au total quatre-vingt-trois parties (une bobine par partie) le plus souvent centrées sur un seul événement majeur et mineur : une visite à un parent, une dépression nerveuse, la mort traumatique d’un membre de la famille… Émerge alors un mode d’auto-thérapie vital qui s’exprime à travers les multiples couches de voix qu’elle superpose à des commentaires enregistrés par la suite. Ceux-ci révèlent les émotions profondes et instables qui définissent son monde.
La Harvard Film Archive est chargée de conserver l’œuvre de Robertson. Cependant une partie des films reste indisponible jusqu’en 2022 selon les conditions de son testament.
Lors de cette séance nous projetterons les bobines suivantes :
REEL 1. THE BEGINNING - THANKSGIVING, NOVEMBER 3 - DECEMBER 13, 1981
REEL 22. A SHORT AFFAIR (AND) GOING CRAZY, AUG. 23- SEPT. 1, 1982
REEL 83. DECEMBER 24, UNTITLED 1995- MARCH 19, 1997

10.10 > 21:30
6€ / 4€


Jean-Daniel Pollet, 1973, FR, fr st ang, 40

"Ne me regarde pas dans les yeux parce qu’on l’attrape par le regard". Raimondakis, avocat érudit, porte-parole des lépreux confinés pendant 50 ans sur l’île de Spinalongas s’adresse à nous et dénonce les mesures d’exclusion que notre société a prises contre les lépreux des siècles durant. Qui sont les monstres ? Les malades, les lépreux, les déformés ? Ou bien la société des gens sains qui met en place la ségrégation sociale pour se protéger de la maladie ? Au fil du récit, les yeux aveugles de Raimondakis nous fixent et deviennent le miroir qui reflète notre propre monstruosité. Personne ne sortira indemne de la projection de "L’ordre", film radical qui s’attira les foudres du corps médical et qui remit en cause l’existence même de la cinémathèque Sandoz. Ce film questionne la santé totalitaire et résonne étrangement avec notre actualité.

+ Le Horla

Jean-Daniel Pollet, 1966, FR, DCP, vo fr st ang, 38

Une adaptation du célèbre roman de Maupassant sous la forme du journal sonore. Dans sa maison isolée au bord de la mer, un jeune homme perçoit la présence et les agissements d’un être invisible. Il le nomme le Horla. Le vent du doute souffle sur sa réalité, mais sa lente dérive hallucinatoire se transforme en naufrage dans les profondeurs de la folie.

16.10 > 19:00
6€ / 4€


+ Ingrid

Interprétation : Nathalie Rjewsky, Texte et mise en scène : Clément Laloy, Scénographie : Jean-François Castel, 30

Que s’est-il passé pour Ingrid entre sept heures du matin et quatorze heures ce dimanche ? Ingrid dit qu’elle était dans sa cuisine à boire du café et que tout à coup, le temps a passé sans elle. Elle est peut-être tout simplement sortie du temps à ce moment-là, et du même coup : de l’espace ? Mais qu’est-ce qu’il y a, au-dehors du temps et de l’espace ? Ingrid nous plonge dans une métaphysique singulière fondée sur une expérience précise : la sienne.

+ FIVE YEAR DIARY bobine N°40
Voir la présentation générale Anne Charlotte Robertson en début de programme.
La bobine intitulée "Visiting Grandmother, my Insanity and Wyoming" articulera les deux représentations et permettra de découvrir un nouveau volet de l’exploration intime du quotidien de la réalisatrice. L’ode à la vache est à ne manquer sous aucun prétexte !

+ L’ensemble des choses

Conception : Thomas Turine, Hélène Mathon, Musique live : Thomas Turine, Voix : Nathalie Rjewsky, Clément Laloy, 30

Les archives de la Clinique de La Borde consignent depuis 1952 chaque journal hebdomadaire tenu par les patients, chaque feuille de jour quotidienne... Ces fragments écrits nourrissent ce concert qui traduit en paroles, sons et musiques les interactions, activités, horaires, pensées, requêtes, ateliers, petites annonces... consignés par les habitants de la clinique. Une plongée dans le quotidien d’un espace, un portrait et une force évocatrice d’une pratique psychiatrique humaine.

La soirée sera suivie d’une rencontre avec les intervenants d’Ingrid et de "L’ensemble des choses".

18.10 > 20:00  
8€ / 6€ (soirée / avond)


Performance

Anosognosies

L’Appétit des Indigestes, BE, vo fr , 55

C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir des schizos en vrai ! À partir des textes rédigés lors d’ateliers d’écriture, soignants et soignés, artistes confirmés ou débutants, réunis dans la troupe de théâtre L’Appétit des Indigestes, proposent un spectacle qui interroge les folies, des plus visibles aux plus invisibles, celles des hommes et des femmes que l’on dit ordinaires, celles de ceux que l’on dit fous : la folie admise de l’état amoureux, la folie sociétale de l’utilité et de la rentabilité, la folie de l’ego, la folie des étiquettes et des catégories. L’anosognosie est l’incapacité pour un patient à reconnaître sa maladie. Sur scène, les acteurs dévoilent leurs petites et grandes folies pendant que dans le public, d’autres personnes commentent le spectacle avec une question en toile de fond : qu’est-ce que nos folies et nos anosognosies ont de commun, d’universel et finalement de profondément humain ?

Le spectacle sera suivi d’une rencontre avec la troupe

24.10 > 20:30  
8€ / 6€ (soirée / avond)


Performance

Baudouin de Jaer / Wölfli

INTERPRÉTATIONS DE L’UNIVERS MUSICAL DE ADOLF WÖLFLI par Baudouin de Jaer

Interné de 1900 à 1930, le bûcheron suisse Adolf Wölfli (1864-1930) se met à dessiner. À sa mort, il laisse dans sa chambre une oeuvre colossale de 25.000 dessins dont 5000 contiennent des notes de musique indéchiffrables. Pendant 80 ans, ces notes restent décoratives. Le hasard pousse Baudouin de Jaer, violoniste et compositeur belge, à en découvrir la clé de déchiffrage qui s’applique sans exception à toutes les partitions de Wölfli. La musique est écrite sur des portées de six lignes, pratique singulière, et en deux passages sur une même portée. Lors du deuxième passage, Adolf Wölfli venait intercaler d’autres notes, la queue vers le bas. Ce système de notation lui permettait ainsi de gagner beaucoup d’espace, sa grande inquiétude étant de manquer de papier. Adolf Wölfli est actuellement considéré comme une figure majeure de l’art brut. Ce concert vous offrira une occasion d’entendre cette musique !

Le spectacle sera suivi d’une rencontre avec Baudouin de Jaer

25.10 > 19:00  
6€ / 4€


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