Guy Jungblut sur le devant de la scène pour nous raconter l’histoire de "Yellow" jusqu’à "Now". Prêt pour le rembobinage ? On y va : Photographe de formation, les yeux fixés sur toutes les avant-gardes, gendre de l’éditeur et pataphysicien André Blavier, Jungblut ouvre "Yellow" en 1969, à Liège, une petite (15m2) galerie qu’il inaugure avec la première exposition de Jacques Lizène, qui se qualifie lui-même d’artiste de la médiocrité. L’expo s’intitule "Il faut abolir le jugement". Elle donne le ton de ce que sera la programmation du lieu pendant ses cinq ans d’existence : une forme d’impertinence nihiliste, de dérision ludique, de remise en question radicale du monde de l’art, allant de pair avec la présentation d’artistes belges émergents et internationaux. La galerie promeut des artistes qui s’écartent des supports traditionnels et explorent la photographie, le livre, le cinéma, et la vidéo qui n’était encore que balbutiante. Elle exposera Ben, Nyst, Annette Messager, les Leisgen, Gerz, les Poirier, Gette, Charlier… Elle organise la première manifestation d’art vidéo en Belgique : "Propositions d’artistes pour un circuit fermé de télévision". Elle produit des films d’artistes, perles rares qu’on ne manquera pas de vous faire découvrir. En 1974, les éditions "Yellow Now" succèdent à la galerie "Yellow", toujours orchestrées par Jungblut. À partir de 1988, sous l’impulsion de Patrick Leboutte, les éditions s’orientent vers le cinéma, avec la collection Long Métrage (19 titres : des "Vacances de M. Hulot" de Jacques Tati au "Traité de bave et d’éternité" d’Isidore Isou), que suivra une étroite collaboration avec la Cinémathèque française pour l’édition des dix huit premiers numéros de la revue Cinémathèque, avec Dominique Païni. D’autres collections s’attachent à des réalisateurs peu diffusés, plus difficiles ou plus rares : Banlieues impulsée par Charles Tatum Jr, Le Serial américain… ou à des essais incisifs : Cinégénie de la bicyclette, Eloge de la pornographie…
Yellow Now profite du tournant des années 2000 pour redéfinir les « côtés » de sa maison. Côté cinéma : Côté film, Morceaux choisis, Motifs. Côté photos : Les carnets, Angles vifs, et Côtés Arts, autant de collections sur le cinéma, la photographie et les arts qui se fabriquent "après journée", bénévolement. Avec Andrée Blavier comme soutien indéfectible, pour éviter de mourir d’ennui ; peut-être aussi pour éviter de mourir, tout simplement.
+ Films d’artistes
[En présence de Jacques Lizène, Jacques Lennep et Pol Pierart]
Pour terminer la traversée de cette première soirée anniversaire, une compilation de films d’artistes chers à Yellow Now :
Jacques Lizène. Quelques-unes parmi ses plus lamentables productions. Le bout-à-bout de ses films est à l’image même de son œuvre tout entière, une continuelle perturbation entre Art sans talent et Non-procréation.
Jacques Louis Nyst. Ses vidéos pionnières (L’Objet, l’Ombrelle en papier…), ses narrations poétiques, ses mini fictions à partir d’objets du quotidien ou de son lieu de vie. Leur tendresse, leur fragilité.
Jacques Lennep. Son inénarrable série Delirium Vidéo, des petits films toujours teintés d’humour, avec des références à l’art : Monet, Duchamp, Magritte, Broodthaers. Parfois avec une pincée d’alchimie.
Pol Pierart, son univers calembourgeois, lui-même comme personnage et le langage comme pâte à modeler, ses objets dérisoires mis en scène (ses ours en peluche, ses squelettes… ), son humour gris. Des petites perles de 3 minutes environ… « montées à la gachette ».