Une nouvelle soirée XP dans la programmation du Nova pour réjouir nos sens. Après notre module précédent "Observando el cielo" qui se tournait vers les hauteurs du cosmos, on vous dirige cette fois vers les tréfonds de la terre avec des résurgences qui s’associent aux mouvements de l’âme. Les expérimentations de cette soirée, tant en cinéma qu’en musique, expriment ces mouvements enfouis en chacun de nous pour les offrir à notre psyché avide de nourriture poétique et s’affranchir un peu de la dure réalité de notre monde.
+ Loup Uberto
Loup Uberto, FR, 30’
Loup Uberto, travaille à fleur de peau et navigue dans les archaïsmes de la création sonore, avec sa voix comme point d’orgue. Aidé de 2 radios portatives des années 80, de quelques téléphones portables, d’un tambourin et de bout de ficelles, Loup présente un univers bricolo/baroque/électronique en gestation. Son chant émerge tel une transe, baigné dans les harmoniques grésillantes produites par ce dispositif obsolète. La mélopée s’installe et nous emporte quelque part au nord de l’Italie, puisant dans les forces souterraines pour nourrir sa complainte des origines.
+ M...H, de GAELLE ROUARD, FR, 16MM
Maître d’oeuvre du travail plastique sur la pellicule et artiste de haut vol, Gaelle Rouard déploie ici sa palette au coeur de la dimension shakespearienne en s’inspirant du "Macbeth" d’Orson Welles. Vision poétique de la transfiguration, le film transpose la narration en un soluté d’impressions directement issu des affres du personnage de Macbeth. L’intrique prend place dans le froid venteux des montagnes, chères à l’esthétique de la cinéaste. Les paysages se muent en corps, désert glacé de l’âme, un buisson solarisé vibre comme un battement de coeur, les sorcières ricanent devant la majesté d’un glacier, la moisissure s’enfle en corps difformes, Macbeth de glace et d’épines trône sur son cheval. Plutôt qu’une performance, il s’agit d’un film interprété en direct. Un minimalisme forgeait par de nombreuse expériences cinétiques s’attachant à déconstruire les dictats du cinéma narratif. Les projections de Gaelle Rouard sont des moments uniques et éphémères (il n’y a pas de copie) qu’il ne faut pas rater !
+ Wave behavior
Lewis and Clovic, FR, 16mm, 35’
On se demande quelle grâce a touché Grenoble et ses environs pour produire autant d’artistes inspirés, libres et joyeux…Dans la tradition du cinéma expérimental émergé depuis bientôt trois décennies dans ces contrées montagneuses, Clovic et Lewis touchent à la quintessence de cet héritage issu du groupe MTK, manipulant pellicule et projecteurs. Ici le film se fabrique en direct : deux projecteurs 16mm, une panoplie d’objets que le faisceaux traverse, des capteurs qui transcrivent l’impulsion lumineuse en son. Un duel oeil/lumière s’opère dès les premières minutes, stimulé par la force poétique qui émerge de ce travail pointu sur la lumière brute. Le support pellicule a disparu, l’éphémère du cinéma est à son paroxysme. La lumière arrive comme une caresse, un réveil à la vie, à l’imagination. Le faisceau se démultiplie. Il devient matière modelable, comme une pâte. Les images se forment en simulacre, laissant notre pensée en suspens, libre de compléter l’évanescence. Nos sens perçoivent, incorporent et se conjuguent à une hyperesthésie libératrice. "Comportement d’ondes" questionne l’oeil et le confronte à des expériences limite, proches de la démarche de Bataille ("Histoire de l’oeil") qui appelait "la nécessité d’éblouir ou d’aveugler" ou de Buñuel ("Un chien andalou") qui disait n’accueillir que les images qui nous frappent, sans chercher à savoir pourquoi. A travers des abstractions visuelles et sonores, Lewis et Clovic ne proposent que des évidences dont l’universalité ne laisse personne insensible.
+ ilill
Mariette Michaud, Jean-Philippe Saulou, BE, 40’
Energie irisée, elle, Mariette Michaud ; captation d’ondes telluriques, lui Jean-Philippe Saulou. Ils forment le duo Ilill à la recherche de l’harmonie, pour cela ils produisent une post grunge lancinante et mélodieuse qu’il serait injuste de labéliser tant elle ouvre des champs de dialogue possible entre bruit, musicalité et chanson. Il y a quelque chose de populaire dans ce qu’ils expriment qui s’adresse à la foule, à tout le monde. La voix fraîche et fougueuse de Mariette répond au happening sonore, proche parfois du chaos tectonique que propose son partenaire. Des résurgences elle crée la mélodie. Le charisme scénique de M. Michaud dont la plasticité angélique contraste avec la détermination de son chant, offre un spectacle vivant qui donne tout son sens au terme "performance". Pour finir cette soirée en beauté, ilill provoque l’éveil, un peu comme un chant chamanique ouvrirait les esprits.