"Les Cœurs verts" Acte II. Au détour d’une conversation dans le couloir du Nova, un spectateur nous souffle une évidence : c’est le moment de projeter "Les Cœurs verts" ! Ce film invisible, forcément, il ne l’a pas vu et rêve de le découvrir chez nous. Jeans et blousons noirs, les jeunes adultes filmés par Édouard Luntz y baladent leurs solitudes et leurs désirs grégaires au pied de vertigineux habitats verticaux. Nous sommes en 1965 et voici le premier film réalisé dans la banlieue parisienne. Très bien, mais, "Édouard qui ?" demanderez-vous...
Vainqueur en 1966 du prix de la critique de la Berlinale avec "Les Cœurs verts", deux autres de ses fictions auront les honneurs d’une sélection officielle à Cannes et à Venise. Édouard Luntz a côtoyé les sommets dès les premiers temps de sa carrière avec des films aux airs de néo-réalisme italien et de nouvelle vague française, pleinement ancrés dans le destin des invisibles. Jeunes hommes appelés qui questionnent la pertinence du service militaire, portrait des bidonvilles parisiens habités par les immigrés, jeunes adultes des cités HLM, idylle entre un jeune homme noir issu des favelas et une jeune aristocrate brésilienne blanche, provincial en quête de contacts à Paris ou portrait d’une région méconnue, c’est la richesse de la marge qui aimante Luntz et qu’il chérit.
L’éclatement des droits et des copies associés à des intervenants (distributeurs entre autres) de mauvaise volonté ont fini par rendre cette filmographie invisible. Il y a plus de dix ans, notre première envie de programmation se heurta à un mur. Impossible de trouver quoi que ce soit. Grâce au travail de Julien Frey et de Nadar, aux informations de Thomas Luntz, fils d’Édouard, et aux énergies et envies vivifiantes d’anciens collaborateurs du cinéaste, Gérard Zimmermann et Monique Prim, nous sommes très heureux de vous proposer une rétrospective aussi complète que possible de l’œuvre d’Édouard Luntz. Une épopée humaine incroyable pour un pan d’histoire du cinéma à nouveau visible ! Pendant trois semaines du moins… Qu’on se le dise !