Au Nova, les mois de janvier-février sont souvent propices à "sortir" un film, c’est-à-dire à le mettre à l’écran pour un nombre conséquent de séances… Exactement comme le ferait n’importe quel cinéma d’exploitation, nous direz-vous. À la différence près que nos choix, faits sur des coups de cœur, assurent à ces films plusieurs semaines de présence à l’affiche, sans dépendre du nombre d’entrées (ce qui peut d’ailleurs leur donner la possibilité de sortir dans d’autres salles du pays). On se souvient, par exemple, de "Tabu" de Miguel Gomes en 2013 ou du "Chantier des gosses" de Jean Harlez en 2014. À chaque fois, ce fut l’occasion d’une programmation revisitant l’œuvre et les filiations de leur réalisateur. C’est dans cet esprit que nous avons conçu la sortie de "Laissez bronzer les cadavres" : en explorant les ramifications qu’offre ce troisième opus d’Hélène Cattet & Bruno Forzani à travers le cinéma de genre que l’académisme appelle "cinéma bis", quelque part entre western, polar, érotisme et épouvante. Outre leurs précédents longs métrages, une carte blanche à ces deux cinéastes bruxellois nous permettra de (re)découvrir certains films qui les ont influencés. Et deux rencontres nous ferons approcher de plus près l’univers des auteurs qu’ils ont adapté : Jean-Patrick Manchette, dont le fils Doug Headline viendra partager sa passion pour la Série noire, et Jean-Pierre Bastid qui revisitera avec nous un itinéraire symbolisant à lui seul deux tendances que les doctrinaires s’obstinent à opposer, d’un côté un cinéma qualifié de politique ou d’expérimental, de l’autre celui qu’on range sous l’étiquette fourre-tout de "populaire"…
Seule ombre au tableau : alors qu’en 2013-2014 nous pouvions encore profiter d’une copie 35mm pour de telles sorties, la disparition largement amorcée de la pellicule et les changements économiques qui l’accompagnent ne nous le permettent plus aujourd’hui. Même pour un film comme "Laissez bronzer les cadavres", amplement basé sur l’usage de l’argentique. Le numérique, malgré son développement hégémonique, n’a toutefois pas remplacé la pellicule dans nos cœurs et nos rétines. Et certains font encore en sorte de perpétuer cette expérience-là du cinéma, jusque dans les coins les plus reculés de l’Inde, comme nous le montre "The Cinema Travellers", autre sortie de ce début d’année.