Il était une fois... Un pays apparu à la suite de la Révolution de Velours, un petit pays de deux peuples rassemblés dans un Eldorado socialiste, un pays avec une tradition de films autour de récits populaires, de légendes et de contes de fées. C’est d’abord via de grands maîtres de l’animation tels que Jirí Trnka et Karl Zeman, puis via des adaptations cinématographiques de prises de vue réelles que princesses et personnages fantastiques ont peuplé le grand écran. Pour sa dixième édition, l’Offscreen Film Festival présente une large rétrospective consacrée à la tradition narrative tchécoslovaque : allant des contes aux drames historiques en passant par des allégories surréalistes. Dans le cadre de cette thématique, le festival a invité deux réalisateurs qui viendront présenter leurs films en personne : Juraj Herz et Jiří Barta.
En raison de la tradition narrative vivante de l’ancienne Tchécoslovaquie, peu de genres cinématographiques furent aussi populaires que les contes. Malgré une ambiguïté souvent intrigante, ils n’étaient pas dépourvus de sous-entendus propagandistes. Dans le conte le plus populaire d’entre tous ("Three Nuts for Cinderella"), Cendrillon s’habille comme un garçon. Elle est la meilleure à l’arbalète et à l’équitation : tout à fait en ligne avec l’idéologie communiste, elle est assimilée à son opposé masculin. Loin de la morale simplifiée des contes, le festival présente aussi des récits historiques aboutis comme le chef-d’œuvre "Marketa Lazarova", souvent présenté comme le meilleur film tchécoslovaque jamais réalisé.
L’invité du festival est le Slovaque Juraj Herz (°1934), un contemporain de Jan Švankmajer, Věra Chytilová et Miloš Forman, dont les fantastiques perles cinématographiques méritent d’être remises au premier plan. "The Cremator", l’œuvre qui l’a fait entrer dans l’histoire en 1969, est au sommet de la nouvelle vague tchécoslovaque : un sinistre message annonciateur de malheur qui se moque du régime communiste puis disparait – à l’image des libertés de création dont ont joui les artistes durant le bref Printemps de Prague. Pour contourner la censure, Herz a orchestré une "fuite loin de la réalité" avec des adaptations cinématographiques singulières teintées de romantisme obscur digne de contes ("Beauty and the Beast") ou de mélodrames baroques gothiques ("Morgiana") dans lesquels il laisse s’exprimer librement sa préférence pour le grotesque et a introduit des stratégies stylistiques avant-gardistes.
Un autre invité est le réalisateur de stop-motion tchèque Jiří Barta (°1948). Barta a commencé en 1978 et est considéré comme l’une des figures emblématiques du monde de l’animation. Inspirées de la tradition esthétique de divers artistes tels que Gaudí, Kafka, Poe, Fritz Lang, les Quay Brothers et Jan Švankmajer, ses premières créations parlent d’un univers d’horreur fantastique et gothique, cependant non dépourvu d’un certain sens de l’humour noir.