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Echoes of Jihlava

À l’heure où les forces vives de la jeune équipe novaïste s’affairaient à la fraîche vie de l’antre cinématographique ; en 1997, un groupe d’étudiants de Jihlava (près de Prague) lançait l’année zéro de ce qui deviendra le plus grand festival international du film documentaire d’Europe centrale et de l’est par une journée de projections de documentaires. De l’initiative locale, il ne reste pas grand-chose sinon Marek Hovodka, son toujours actif directeur, et le paysage pittoresque de la ville de Jihlava, son calme campagnard à peine perturbé par les coups de talons des nombreux visiteurs, ses bâtiments soviétiques et son monumental écran de pierre trônant dans le parc municipal (plus de 10 mètres de haut !). Reste que l’esprit et le dynamisme de ce festival se démarquent des autres festivals de documentaire majeurs d’une part par la composition toujours aussi intrigante de ses jurys (une famille pour l’expérimental ; un seul et unique juré pour la compétition principale, Opus Bonum), par son intérêt attendu mais affirmé pour le cinéma tchèque et d’Europe orientale mais encore pour la place particulière réservée au cinéma expérimental et aux propositions cinématographiques, pas toujours léchées mais au caractère trempé. Et si trouver les perles rares est une tâche d’orfèvre, telles seront les reines de cette sélection des quatrièmes échos de Jihlava organisés au Cinéma Nova. Une sélection de films dont l’essence même défie les codes du cinéma documentaire pour mieux les bousculer et nous confronter à des propositions franches, radicales et qui, nous le pensons fermement, ne vous laisseront pas indifférents.

En collaboration avec le festival de Jihlava - Jihlava International Documentary Film Festival -, le centre tchèque et la région Vysocina



Vladimir Tomić, 2015, RS-DK, video, vo st ang, 71

Alors que le réalisateur est encore jeune adolescent, il quitte la Bosnie avec sa mère et son grand frère. En compagnie de plusieurs centaines d’autres réfugiés yougoslaves, ils sont logés dans le port de Copenhague, sur un immense bateau le "Flotel Europa". Et si les jeunes s’amusent d’abord de cette croisière à quai, la vie à bord devient vite compliquée avec ces familles qui dorment, cuisinent et vivent entassées dans de petites cabines sans vraies fenêtres. Deux réfugiés récoltent de l’argent auprès de leurs compagnons d’infortune pour acheter deux caméras VHS afin que chacun puisse envoyer des lettres filmées aux parents restés au pays. Grâce à cela, de nombreux aspect de la vie à bord ont pu être documenté, et c’est à ces heures et ces heures de rushs qu’a eu accès Vladimir Tomić. Il en tire un film d’une fluidité désarmante et nous livre son histoire, difficile à croire tellement elle regorge d’éléments de récit d’initiation hollywoodien avec la mère dirigiste mais tendre, les copains avec lesquels faire les 400 coups, les jeunes adultes avec lesquels on découvre les cigarettes et le rock, la découverte des dissensions politiques entre réfugiés dans la salle télé et puis Melissa et ses yeux verts, inaccessible et si élégante en costume traditionnel...
Prix First Lights du meilleur premier film

+ Calling Ukraine

Jean Counet, 2015, NL, video, vo st ang, 12

Une femme d’un certain âge appelle, de son ordinateur, sa sœur puis sa fille qui vivent toujours dans son Ukraine natale. Elle qui n’ a que des informations sur la situation de guerre par les médias, elle en apprend les détails par ces témoins qui se trouvent être aussi les gens qu’elle aime et pour qui elle s’inquiète forcément.

Ouverture en présence de Vladimir Tomić et d’une partie de l’équipe du festival de Jihlava.

28.01 > 20:00 + 05.02 > 20:00
5€ / 3,5€


Arbo Tammiksaar & Jaak Kilmi, 2015, EE-FI, video, vo ru st ang, 85

Un CRS quitte tout peu après la chute du régime soviétique, convaincu qu’il est d’être la réincarnation de Jésus. Il crée une communauté dans un coin reculé de la Taïga, en plein milieu de la Sibérie. Des centaines de personnes le rejoigne, bâtissent des maisons, des écoles, un village et une vie paisible. Le film suit avec empathie Sveta, une jeune femme, venue avec ses enfants voir son père à elle, après qu’elle ai quitté son mari. Elle découvre une vie douce qui la séduit, mais aussi Dima, membre sonneur de cloches de cette communauté avec qui elle fonde une famille. Tandis que son ex-mari fait des pieds et des mains administratifs et médiatiques pour récupérer ses enfants et alerter les autorités et l’opinion sur cette secte ; la vie continue dans la Taïga. Ce Christ est bien étrange, mais le film montre surtout une école joyeuse où l’on prend le temps d’apprendre et de s’amuser. L’un des enfants de Sveta, autiste, a l’air de s’épanouir à son rythme dans cette vie hors du temps. Si le film étonne par son parti pris non critique vis à vis de ce qui serait vu ici comme une secte suspecte, il montre, notamment à l’aide de plans superbes, ce que la foi peut avoir de fort, et comment une vie alternative est aussi possible dans ces conditions.

29.01 > 20:00
5€ / 3,5€


Oleg Mavromatti, 2014, RU-US-BG, video, vo ru st ang, 82

Astahov Sergy aime les supermarchés, la Russie, l’armée, la nation, la malbouffe, Poutine, les clubs gays, la pornographie. Il aime tous les aspects de la Russie capitaliste contemporaine. Il aime aussi la Sainte église Orthodoxe, ce qui lui permet d’expier quelque peu ses travers pervers. Homme de son temps, il utilise outrageusement internet, chambre d’écho phénoménale où déverser son égocentrisme et sa mégalomanie obsessionnelle. S’autofilmant en contre plongée, ou utilisant des vidéos choquantes trouvées sur le web, il commente tout en permanence, dans tous les détails, au gré d’interminables listes, véritables poèmes pop complaisamment ahurissants. Le film s’ouvre sur un étalage de fruits et légumes dans un Mall, au son de la neuvième symphonie de Beethoveen par Wendy Carlos. Plus tard, Singing in the Rain nous confirme que oui, l’Orange Mécanique n’est pas loin... d’ailleurs, Alex DeLarge lui même n’utilisait-il pas des mots russes ? Le réalisteur, Oleg Mavromatti a depuis quinze ans quitté la Russie, où ses œuvres subversives lui causèrent quelques ennuis. Il produit ce film avec son collectif SuperNova, à Cine Fantom, autre entité cinématographique moscovite déviante bien connue des habitués du Nova !

Vidéo-conférence avec Oleg Mavromatti après chacune des séances.

29.01 > 22:00 + 04.02 > 20:00
5€ / 3,5€


Compilation

Very Short Joy

Avant chaque long métrage, un court ! Enfin, ça, c’est la règle à Jihlava. Ici, c’est en bloc que vous découvrirez certains des courts qui nous ont marqués.

+ New Life [Nueva vida]

Kiro Russo, 2015, BO, 35mm > video, vo st ang, 16

Toits anonymes et corps épuisés. Depuis son inamovible perchoir, une caméra semble voler les premiers instants de parentalité d’un jeune couple bolivien en pleine découverte de la vie à trois. Délicatement, la pellicule capture les premiers gestes naissant de cette famille des hauteurs... Prix Short Joy du meilleur court-métrage.

+ Yellow Brick Road

Eloy Dominguez Serén, 2015, SW, video, vo st ang, 15

Dans le désert du Sahara occidental, les carcasses de voitures rongées par le temps et le sable se multiplient à perte de vue. Manifestement parti pour capturer le vent soufflant dans les imperturbables portières creuses, le réalisateur se retrouve complice du jeu de de deux rappeurs déchaussés…

+ Poem and Stone

Maryam Tafakory, 2015, IR-GB, video, vo st ang, 11

Bénéficiant d’un travail formel sensible et d’un montage dynamique, cette méditation sur la mémoire sensorielle nous transporte dans un Iran riche en grenades (les fruits), métiers à tisser et autres chorégraphies de caractères pour composer un essai poétique enivrant.

+ Bailu Dream

Nicolas Boone, 2013, FR, video, zh st ang, 12

Ville chinoise du Sichuan, Bailu fut ravagée lors du tremblement de terre de 2008. Accompagné par la voix de la metteur en scène d’une vidéo de promotion de cette nouvelle vie, vous voilà désormais dans Bailu-la-neuve, celle dont tout amateur de syncrétisme romantico-géographique rêverait : bienvenue au château de La Loire en pleine Chine !

+ An Inaccurate Distance

Giovanni Giaretta, 2014, IT, video, vo st ang, 15

Entouré de ses livres aux alphabets plus ou moins communs, un sage-traducteur italien nous livre ses réflexions sur l’immersion dans une culture par le verbe, sur la relation tenue entre Einstein le relatif et les relations amoureuses à distance, et son rapport au paysage immobile. Un instant de philosophie posé pour clore de ses mots ces quelques bonds de court en court.

30.01 > 19:00
5€ / 3,5€


Tommaso Cotronei, 2015, NG-IT, video, vo st ang, 75

Issu du Delta du Niger, Richard collecte sans fin une multitude de bouteilles et autres bidons qu’il impose à son colocataire aux nerfs rongés par ce plastique envahissant. Et pour cause, pour payer ses études et sa vie citadine, Richard se débrouille en vendant sur le marché noir du pétrole de piètre qualité récupéré dans les canalisations pétrolières perforées. Connu pour la pauvreté de sa population, le Delta du Niger l’est aussi pour ses eaux souillées par le pétrole et un équilibre rompu par l’apparition des plateformes pétrolières dont les profits s’évaporent loin des communautés de pêcheurs désormais rejetées des eaux. En immersion dans le quotidien de l’étudiant, Tommaso Cotronei puise dans sa connaissance profonde de la débrouille pour réaliser un film qui colle au plus près de la vie de Richard. Au delà du portrait en creux d’une région aux enjeux trop peu documentés, "Covered with the Blood of Jesus" est remarquable pour ses images précieuses qui évoquent avec puissance la frénésie poussiéreuse de la ville, en opposition au calme apparent du Delta alors qu’au loin résonne les prêches d’évangélistes enflammant les berges gorgées d’eau pétrolifère.

+ King of Boys

Karimah Ashadu, 2015, NG-GB, video, sans dial, 5

Une étrange machine qui tourne et filme l’activité singulière d’un abattoir de Lagos. Un filtre de plastique rouge qui tourne lui aussi pour se placer devant l’objectif, et ces Kings of boys qui font la loi dans ce lieu difficilement accessible. Une étrange machine ludique, de bric et de broc, qui observe pour nous un ballet fascinant et opaque.

Première séance en présence de Tommaso Cotronei et Karimah Ashadu.

30.01 > 21:00 + 07.02 > 21:00
5€ / 3,5€


Né à l’entrée du Cinéma Nova, le Jukebox organique a depuis lors migré aux quatre coins de l’Europe. De festivals en festivals, il a fini par poser ses vinyls décrépis jusqu’en République Tchèque et la bourgade documentaire de Jihlava à deux reprises. Le plus musical dénominateur commun de ces deux univers revient dans son habitat originel pour emballer le premier samedi de ces Échos de Jihlava, et vous faire swinguer jusqu’au bout de la nuit sur vos mélopées favorites !

30.01 > 18:00


Swimmers

Zaplyv

Kristina Paustian, 2015, DE-RU-HU, video, vo ru st ang, 77

Alors que le régime soviétique agonise lentement, Boris Zolotov, physicien pour le moins controversé, quitte l’Université et fonde une communauté sur les bords de la Mer Noire. Aujourd’hui, une véritable "secte" s’est installée dans ce qui ressemble à un camp de vacances abandonné. On y suit Ekaterina, jeune et paumée, qui tente de comprendre le monde contemporain auprès de ce "gourou". De longues séances de baignades et de gymnastique participative occupent la plupart de leurs journées, avec comme climax des représentations de théâtre psychédélique cathartique. Le film, utilisant le langage documentaire artistique en vogue, relate aussi les cours donné par Zolotov et de bien étranges présentations publiques, voire télévisées, des dons particuliers des meilleurs "élèves" encouragés par le Maître. Une vision non critique de ce monde à part, en recherche active mais à son rythme du Bonheur, une adéquation formelle questionnante à cette esthétique New Age aussi fascinante qu’inquiétante.

En présence de Kristina Paustian (sous réserves).

31.01 > 19:00
5€ / 3,5€


Jacques Perconte, 2015, FR, DCP, sans dial, 57

Fasciné par la région frontalière de la forêt privée écossaise d’Ettrick, Jacques Perconte s’y rend à trois reprises pour y capter ce qui l’enchante. Sa flore en parcelles soigneusement maîtrisée, ses vastes pâturages, ses orages et son industrie de la laine. Surtout, cette balade est portée par une technique de réalisation initiée par le réalisateur. Jouant avec les Codec, Jacques Perconte développe depuis vingt ans une esthétique de la compression numérique. Traînées de pixels et autres images superposées créent dans "Ettrick" autant d’instants où s’entremêlent paysages pastoraux et mailles du tweed. Également plasticien, Jacques Perconte a concrétisé la fouille de ce potentiel esthétique par de nombreux courts-métrages souvent présentés au sein de la section ’Fascinations’ du festival de Jihlava. Début 2015, une rétrospective de son travail était par ailleurs présentée à la Cinémathèque Française. Dernier film en date, "Ettrick" surprend dès les premiers instants par la rugosité de sa forme, pour mieux laisser surgir ces instants de grâce où arc-en-ciel et moutons se jouent des pixels et façonnent leurs présences lumineuses.

+ Le pays dévasté

Emmanuel Lefrant, 2015, FR, 35mm, sans dial, 12

Paysages urbains et naturels inhospitaliers clignotent et se succèdent dans cette interprétation personnelle de l’ère géologique que nous traversons : l’anthropocène. Définie par l’impact incontournable et durable de l’activité humaine sur l’écosystème, cette ère imprègnent ici la matière pelliculaire de ces traces de notre âge urbain, consumériste, chimique et nucléaire.

Deux films qui chacun explore un pôle d’expérimentation visuel. Le premier honorant la survivance de la pellicule ; l’autre, l’émergence d’une forme impossible hors du numérique. Emmanuel Lefrant et Jacques Perconte seront présents pour discuter de leurs approches finalement complémentaires d’un médium en permanente mutation.

06.02 > 21:00
5€ / 3,5€


Compilation

Fascinations

Compilation de huit courts métrages issus des deux sections expérimentales du festival de Jihlava, cette séance réunit les trouvailles du terreau local et international - Fascinations et Fascinations : exprmntl.cz. Ces films éclairent plusieurs facettes de pratiques voisines que ce soit en termes techniques, formels ou sensibles. Toutes proposent des regards intrigants sur les questions des dynamiques de confection, défection, reconfection de l’espace et nous laissent songeur quant aux informations ne comportant qu’une source unique de lecture des événements. Cette série de films est composée d’archives, d’images manipulées et d’histoires qui défient les codes communs de la narration. C’est pas moins d’une heure de sélection de films expérimentaux soigneusement sélectionnés qui transfigurent lentement les éléments capturés par la patte toute personnelle de ces confectionneurs d’images.

+ Echoes

Jaimz Asmundson, 2015, CA, video, vo st ang, 6

La recréation illusoire d’un rêve occupe ici le motif central du film.

+ Relief

Calum Walter, 2014, US, video, sans dial, 5

Réinterprétation visuelle répétée d’un seul et même événement.

+ Before the Interception

Krystof Strejc, 2015, CZ, video, sans dial, 13

Collage d’images botaniques et urbaines qui narre l’histoire angoissante du déclin.

+ Io

Youjin Moon, 2015, US, video, sans dial, 11

Depuis l’œil aux contour, texture et forme incertains se révèlent une succession de gros plans et d’autres larges qui dessinent un portrait tantôt organique tantôt numérique d’une conception du quotidien.

+ Second Sighted

Deborah Stratman, 2014, US, video, sans dial, 5

Voyage rythmé au travers le temps et l’espace d’archives retrouvées.

+ Landscape

Petra Sklenarova, 2015, CZ, video, sans dial, 3

Assemblage de courtes vidéo par la réalisatrice n’interférant que peu avec celles-ci pour insuffler un caractère irréel aux images statiques utilisées.

+ Simulacra

Theo Tagholm, 2015, CA, video, sans dial, 4

Distorsion de plans en deux dimensions captés depuis un avion. En balade au travers des paysages urbains et ruraux, la perception de l’espace se trouve brisée par des cadres statiques intégrés à l’image...

+ Quantum

Flatform, IT-DE, video, sans dial, 8

Quelques éclairages successifs animent un seul et même plan d’une petite ville pour un jeu sur la lumière et le son qui allie humour et brouillage de la représentation effective du plan. Prix Fascinations du meilleur film expérimental.

Séance en présence d’un membre du jury de cette édition, Emmanuel Lefrant, également réalisateur du film "Le pays dévasté", et de Jacques Perconte, réalisateur de "Ettrick" et habitué de cette section du festival de Jihlava.

07.02 > 19:00
5€ / 3,5€


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