Manifeste politique et poétique, le dernier film du cinéaste israélien Avi Mograbi emprunte son titre à une chanson qu’interprétait jadis l’artiste libanaise Asmahan. "Dans un jardin je suis entré" fantasme un ancien Moyen-Orient, dans lequel les communautés n’étaient pas séparées par des frontières ethniques et religieuses, pouvaient coexister sans effort, voyager entre Alexandrie, Beyrouth, Damas et Tel-Aviv… Un Moyen-Orient dans lequel même les frontières métaphoriques n’avaient pas leur place.
Comme à son habitude, Mograbi construit son film au fur et à mesure qu’il se tourne… et se détourne de son projet initial. À l’origine, le film devait s’intituler "Retour à Beyrouth" et retracer la vie de son oncle Marcel, qui ne supportait pas les frontières. Mais très vite, il s’attache à Ali Al-Azhari, son ami palestinien d’Israël qui lui apprend l’Arabe et l’aide dans ses recherches. Avi est Juif, issu d’une famille sioniste (mouvance qui revendique Israël comme un État juif) qui a immigré de Damas et Beyrouth vers Tel-Aviv dans les années 1920 et à laquelle il s’oppose politiquement. Ali est un "présent-absent" : il fait partie de ces Palestiniens qui ont été contraints de fuir leurs foyers pendant la guerre de 1948 puis privés de leurs biens, mais qui sont restés en Israël où ils ont grandi comme des réfugiés dans leur propre pays. Ensemble, les deux hommes entreprennent un voyage vers leur histoire respective dans une machine à remonter le temps née de leur amitié. Le Moyen-Orient d’antan refait surface avec une grande facilité.
Mais, contrairement à ses œuvres précédentes, Mograbi fait table rase des procédés qui ont fondé sa renommée. Moins vindicatif et volontariste qu’à l’accoutumée, il évite de se mettre en scène de manière ostensible et quitte son rôle de trublion. "Ici le film n’est pas contre qui que ce soit : c’est un film avec", explique-t-il. Un film qui se construit à deux. Et même à trois lorsqu’arrive Yasmine, la jeune fille d’Ali, issue de la nouvelle génération qui a intégré les changements et la ghettoïsation dont son père se sent la victime comme une donnée normale de l’existence. C’est ainsi que des générations et des modes d’existence s’affrontent, notamment au détour d’une scène paroxystique sur le lieu de naissance d’Ali. Devenu parc, l’endroit est désormais interdit aux Arabes…
Mêlant amour, douceur et mélancolie, "Dans un jardin je suis entré" est un film sensible sur le déracinement et la difficulté de vivre dans une société morcelée. Un film optimiste qui se tourne vers un Proche-Orient révolu pour trouver la force d’imaginer un Proche-Orient apaisé.
17.09 > 20:00 : avant-première en présence d’Avi Mograbi.