prog: 1960
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Fernand Melgar-Tariq Teguia

Une invitation exceptionnelle à rencontrer l’Algérien Tariq Teguia et le Suisse Fernand Melgar, deux réalisateurs majeurs. Il ne s’agit pas d’opérer quelque rapprochement artificiel entre ces auteurs, car malgré la diversité de leurs approches, l’un comme l’autre ancre son travail dans notre actualité la plus vive, souvent saisie à la marge, là où sont en jeu les frontières et leurs effets sur les corps et les esprits.
"Le Monde est comme ça" (Fernand Melgar) et "Révolution Zendj" (Tariq Teguia) seront projetés tous deux en avant-première belge et suivis d’une discussion avec les réalisateurs et Alain Brossat, auteur de "Autochtone imaginaire, étranger imaginé. Retours sur la xénophobie ambiante" (éditions du Souffle).

Tariq Teguia. Philosophe et plasticien de formation, photographe, enseignant en histoire de l’art à l’École supérieure des Beaux-arts d’Alger, et également cinéaste. Auteur de quatre courts métrages : "Kech’mouvement" (1996), "Le chien" (1996), "Ferrailles d’attente" (1998) et "La clôture" (2002) et de trois longs métrages présentés dans cette programmation.

Fernand Melgar. Documentariste et producteur autodidacte issu de la scène rock underground suisse. C’est au sein de l’association Climage qu’il a réalisé une dizaine de documentaires liées aux questions d’immigrations.

Alain Brossat. Professeur émérite au département de philosophie de Paris-8 Saint-Denis il a publié récemment "Le plébéien enragé : Une contre-histoire de la modernité de Rousseau à Losey", "Le passager clandestin, novembre 2013". Ses travaux portent notamment sur la généalogie des violences politiques modernes et contemporaines, les formes et dispositifs de pouvoir, la question de la plèbe.



Films + rencontre

Le monde est comme ça

Fernand Melgar, 2013, CH, video, vo st fr, 60

Dans "Le monde est comme ça", Fernand Melgar rejoint cinq des protagonistes de "Vol Spécial" quelques temps après leur expulsion forcée de Frambois dans leur "pays d’origine", au Sénégal, au Kosovo, en Gambie et au Cameroun. "Flashback" : voir "La Forteresse", "Vol Spécial". "Cette longue immersion dans ce centre (il en existe vingt-huit en Suisse) leur a permit de décrypter l’incroyable raffinement d’un dispositif dont le propre est de rendre indissociables le "soin" (care) le plus attentionné et les finalités les plus inavouables – l’expulsion sans état d’âme de demandeurs d’asile ou de résidents déclarés irréguliers dont certains vivent de si longue date en Suisse qu’ils ignorent à peu près tout du pays où l’on entend les "renvoyer"". 

Suivi d’une rencontre entre Fernand Melgar et Alain Brossat.

15.02 > 19:00
3,5€ / 2,5€ 5€ / 3,5€ (soirée / avond)


Fernand Melgar, 1993, CH, video, vo st fr, 54

Fernand Melgar dépeint le portrait de ses parents et de leur parcours d’immigration. C’est au début des années 1990 que le cinéaste cherche à acquérir la nationalité suisse. De parents espagnols, il est né à Tanger et vit en Suisse depuis l’âge de deux ans. Loin de le soutenir dans sa démarche de naturalisation, ses parents sont même un peu déçus… Retournés vivre en Espagne pour leur retraite, ils ont malgré tout passé 27 ans de leur vie en Suisse ; ils gardent peu de bons souvenirs de cette période, un regard très avisé, des mots durs sur leur pays dit "d’accueil", sur les conditions de vie, de travail, les stigmatisations, et ce lent changement intérieur, insidieux qui les a, à l’époque petit à petit transformés, contaminés. Ils n’ont heureusement rien perdu de leur acuité ni même de leur humour… Syndicalistes espagnols fuyant le franquisme, ils font partie des milliers de travailleurs étrangers, italiens, portugais et espagnols que la Suisse est allée chercher dans le sud de l’Europe dans les années 1950 et 1960 pour les grands travaux d’aménagement du territoire.

15.02 > 22:00
3,5€ / 2,5€ 5€ / 3,5€ (soirée / avond)


Film + rencontre

Revolution Zendj

Tariq Teguia, 2013, DZ-FR-LB-QA, video, vo st fr, 137

Lors d’un reportage sur des affrontements communautaires dans le sud de l’Algérie, le journaliste Ibn Battuta se trouve sur les traces oubliées du soulèvement des Zendj contre le califat abbasside en Irak au VIIIe et IXe siècles. Début du IXe siècle, l’empire abbasside se délite sous le poids de la corruption, des injustices sociales et des tensions religieuses. Derrière un meneur persan, Ali ben Mohamed, ces esclaves originaires d’Afrique noire ont mis en péril le prestigieux empire arabo-persan de Bagdad.
"Le film devait s’intituler "Ibn Battuta", nom du personnage principal, de ce journaliste, un peu poète, un peu absent, celui qui va ailleurs pour trouver une existence, la sienne en l’occurrence. C’est aussi un bel homme, un beau personnage. Teguia l’aime. Ça se voit".
Trois ans de tournage pour un film démarré avant les mouvements de renversement des régimes en Tunisie, en Égypte, au Yémen et de la guerre en Syrie. "Là est le paradoxe : nous avons commencé quelque chose (…) alors que ça prenait forme devant nos yeux à Beyrouth. Le film qui explorait la possibilité du refus de l’oppression (…) était surplombé par ce qu’il se passait en arrière-plan" (Tariq Teguia).

Suivi d’une rencontre entre Tariq Teguia et Alain Brossat.

16.02 > 19:00
5€ / 3,5€


Fernand Melgar, 1998, CH, video, vo fr , 55

"Classe d’accueil" dessine six portraits d’élèves entre 11 et 17 ans dans la classe d’accueil (de "primo-arrivants" en Belgique) du collège de Crissier en Suisse. Ils sont Kurdes, Bosniaques, Portugais, Brésiliens et sont confrontés à des réalités migratoires bien différentes. Malgré cela ils partagent et avec les jeunes de leur génération ce même regard sur l’avenir, plutôt incertain et professionnellement bouché. Ces regards croisés sur la Suisse mêlent les images d’un rêve un peu forcé et d’une réalité beaucoup moins utopique. "Classe d’accueil" dépeint l’univers de ces jeunes adolescents, qui composent entre le souvenir de leur terre natale et les désirs / rêves de s’implanter dans un ailleurs. Ces enfants, porteur d’identités multiples et d’histoires complexes se déploient dans le contexte d’un pays et d’une Europe qui n’a de cesse de se replier sur des histoires nationales et euro-centristes.

22.02 > 19:00
3,5€ / 2,5€ 6€ / 5€ (soirée / avond)


Tariq Teguia, 2006, DZ, 35mm, vo st fr, 110

"Rome plutôt que vous" restitue le grain le plus fin de la réalité de l’Algérie des années noires, de la guerre inexpiable opposant l’État aux groupes islamistes, sur le mode le plus saisissant qui soit : rien n’est dit et encore moins "montré", mais cette autre guerre sans nom y sature chaque image, chaque séquence du film, chaque parole, chaque conduite... La peur suinte le long des murs, la violence emprunte tous les visages – celle d’une descente de flics en civil dans un café comme celle d’un guet-apens à l’aube, les personnage sont faits comme des rats et ils le savent, l’exil n’est qu’une fausse porte de sortie, tout comme rester est impossible – et, sachant tout cela, ils cultivent la politesse du désespoir (le plus noir des humours) et se saoulent à mort quand l’occasion se présente.
"Rome plutôt que vous" est un film qui dit tout de la guerre civile (la fameuse stasis des Grecs dans l’Algérie de la fin du siècle dernier), sans rien en étaler – tout le contraire d’un film-tract. C’est, pour cette raison même, un film d’une puissance poétique rare.

22.02 > 20:00
5€ / 3,5€ 6€ / 5€ (soirée / avond)


Film

Inland

Tariq Teguia, 2008, DZ, 35mm, vo st fr, 140

Malek, géomètre, est envoyé vers l’Ouest pour une lecture topographique inachevée dans les monts de Daïa. Il travaille silencieusement au raccordement électrique d’un village situé à 30 kilomètres au Sud de Saïda, jusqu’au jour où il découvre dans sa caravane une jeune émigrante clandestine originaire d’Afrique sub-saharienne. Une rencontre qui modifie son parcours...
Conte poétique, road movie, associations de malfaiteurs, corruption. Teguia dépouille, assèche, se débarrasse des contraintes du temps et de l’espace pour faire bouger les frontières intérieures. Là où les personnages de "Rome plutôt que vous" étaient piégés sans sortie de secours, "Inland" ouvre une voix de passage et les voyages deviennent lignes de fuites, y compris pour ceux qui les pistent. Un voyage à l’envers : il ne l’aide pas à traverser la frontière mais la ramène à son territoire qu’il découvre. La frontière malienne, un territoire où les limites sont indistinguables. Encore une fois Teguia ne montre pas, cette fois il efface, dissout.

23.02 > 18:00
5€ / 3,5€


squelettes/rubrique-3.html
lang: fr
id_rubrique: 1973
prog: 1960
pos: aval