Janvier 2013, le Cinéma Nova fête son anniversaire. 16 années à programmer des films de cinéastes indépendants aux approches atypiques, souvent méconnus des médias et des grands festivals, à suivre avec intérêt le parcours de nombre d’entre eux… Parfois, certains voient soudain un de leurs films primé par des festivals de première catégorie et obtenir ainsi un écho plus important. C’est aujourd’hui le cas de Miguel Gomes, jeune réalisateur portugais qui, après quelques films passés quasi inaperçus chez nous, fait pour la première fois l’objet d’une distribution dans notre pays. Il faut dire que son nouveau film, "Tabu" ("Tabou" en français), collectionne depuis un an les prix (notamment au dernier festival de Berlin et tout récemment au festival de Gand, où il a été élu "meilleur film"). Sortant actuellement sur les écrans de 40 pays, personne ne tarit d’éloges à son égard.
Ce n’est pas pour ajouter notre voix à ce concert de louanges que nous avons choisi de donner à ce film une place inhabituellement grande dans notre programmation, et par la même occasion de faire une entorse à notre principe de ne montrer que des films qui n’ont pas l’occasion d’être vus ailleurs. En 2009, le Nova avait été la seule salle en Belgique à sortir le précédent long métrage de Miguel Gomes, "Ce cher mois d’août". Nous étions tout autant envoûtés par la sensibilité et la richesse particulières de ce film d’apparence tout simple, qu’admiratifs devant sa démarche et sa liberté de réalisation. Et voilà que "Tabu" nous impressionne au moins autant ! Fort d’une belle matière, d’une intuition, d’un talent pour l’improvisation qui n’a d’égal que son talent pour s’écarter d’un scénario, Gomes prend un plaisir manifeste à mélanger les registres et les genres, jouer sur les ruptures et les décalages… Un autre élément saillant transpire de ses films : il ne se comporte pas en auteur, mais plutôt en gamin qui entraîne ses copains dans ses jeux. On sent très fortement la dimension collective qui a régné dans l’élaboration et la fabrication de ses films. La dernière scène de "Ce cher mois d’Août" nous montrait d’ailleurs l’ingénieur du son, Vasco Pimentel, s’opposant au réalisateur borné qui ne voulait que des sons réels. Entretemps, ils se sont mis d’accord et nous proposent avec "Tabu" un traitement du son très particulier qui rend hommage au cinéma muet, à l’image du film entier qui puise dans le passé pour mieux inventer son propre langage cinématographique.
L’enthousiasme général dont jouit désormais Gomes nous paraît donc bien justifié, même s’il aurait pu s’exprimer avec autant de force lors de la sortie de ses deux précédents films. Voilà qui nous a donné l’envie de consacrer une rétrospective intégrale à ce cinéaste qui n’a que six courts et trois longs métrages à son actif ! Cela s’étalera sur sept semaines (du 10 janvier au 24 février) et démarrera en présence de Miguel Gomes et de quelques membres de son équipe (les 10 et 11 janvier).
Et puisque la musique est un véritable fil rouge dans son cinéma, le Nova organise également trois concerts uniques (les 11 et 18 janvier et le 23 février) pour fêter la sortie de son nouveau film et entrer dans son univers, nous l’espérons, de la plus belle manière qui soit.