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Filmer le politique

De quoi parle-t-on au juste ? Du suivi de campagne électorale et du décryptage de son lot de jeux de représentation, comme dans la remarquable série documentaire "Marseille contre Marseille", dont les deux premiers épisodes ouvrent notre programmation et sur laquelle Jean-Louis Comolli reviendra avec nous (12 octobre). De la mise en scène de la parole de nos représentants politiques, comme dans "Mais nous sommes tous antiracistes", de Thierry Odeyn (14 octobre). Du rapport de séduction / répulsion de l’élu au citoyen, questionné avec adresse par Avi Mograbi dans "Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon" ou Hugues Le Paige dans "Le Prince et son image" (19 octobre). Ou d’un cinéma qui interroge le fonctionnement de nos sociétés et des communautés qui les composent comme celui de Stefano Savona ("Palazzo delle Aquile" – 21 octobre), de Frédéric Fichefet et Rajae Essefiani ("Carnet de notes à deux voix" – 14 octobre). Un peu de tout cela assurément (chacune de ces problématiques traverse d’ailleurs les documentaires et fictions ici programmés) et aussi, avant tout peut-être, des pratiques et écritures cinématographiques qui contribuent à faire évoluer par l’image la réflexion démocratique.

Ce programme est réalisé en collaboration avec Le P’tit Ciné (www.leptitcine.be).



Série emblématique du documentaire politique, "Marseille contre Marseille" (1989-2001) nous conte les batailles électorales à Marseille et dans la région 13 ans durant.
"Il faut croire très fort en l’importance de la dimension politique de nos vies "ensemble" pour filmer aussi longtemps ceux qu’on désigne (non sans mépris) comme "les politiciens". Sans doute. J’y crois toujours, je crois toujours que la parole publique dans son lien avec le corps qui l’énonce, les débats, les discussions, l’analyse des conflits et des rapports de force, le raisonnement, la logique, la pensée, la résolution dans l’engagement, l’affirmation du point de vue sont les outils - politiques - qui nous sont plus que jamais nécessaires. Pour le dire d’un mot : filmer les responsables politiques à Marseille, c’était affirmer la chose politique (la chose publique : république) comme digne d’attention et essentiellement humaine, je veux dire : à notre portée" expliquait Jean-Louis Comolli en 2004. Nous reviendrons avec lui sur les deux premiers épisodes de la série.



Marseille de père en fils #1

Ombres sur la ville

Jean-Louis Comolli, Michel Samson & Anne Baudry , 1989, FR, video, vo, 82

Premier épisode de la série Marseille de père en fils nous plonge au cœur du combat pour la mairie de la cité phocéenne au lendemain de la mort de Gaston Deferre, qui régna sur la ville de 1953 à sa mort, en 1986.
Un journaliste qui connaît et aime la ville suit la guerre de succession. Qui l’emportera ? L’énigmatique Robert Vigouroux, exclu du parti socialiste pour son jeu trop personnel, Michel Pezet, patron du parti socialiste au niveau local, mais qui a osé affronter Gaston Deferre peu avant sa mort ? Ou alors Jean-Claude Gaudin, leader d’une droite populiste, qui avait failli battre Deferre en 1983 ?

La projection sera suivie d’une conversation entre Jean-Louis Comolli et Hugues Le Paige.

12.10 > 20:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


Jean-Louis Comolli, Michel Samson & Anne Baudry , 1989, FR, video, vo, 82

On assiste au dénouement de la guerre de succession. Le plus taiseux des poids lourds qui se sont affrontés avec passion l’emporte, la ville garde son mystère. "Comme la ville égare le promeneur, explique Jean-Louis Comolli, elle fuit le regard du cinéaste qui a la naïveté de croire qu’elle s’offre à lui, qu’elle l’attend, qu’elle se fige au moment où il dit "moteur". Marseille ne cesse de se dérober à la prise. [...] Peut-être est-ce bien elle qui est là quand on filme autre chose que la ville elle-même. Des corps par exemple, plutôt que des décors".

12.10 > 22:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


Nick Broomfield, 1994, GB, video, vo st ang, 83

Un peu à l’image d’un Avi Mograbi dressant le portrait d’Ariel Sharon ou d’un Michaël Moore traquant le PDG de General Motors, le cinéaste Nick Broomfield décide de réaliser un portrait non autorisé du Premier ministre ayant eu le plus long mandat de la Grande-Bretagne au XXe siècle : Margaret Thatcher, qu’il déteste personnellement tant pour ses idées politiques que pour sa personnalité autocratique et "inhumaine". Il rêve de l’interviewer sur ses relations avec le juteux commerce d’armes dans lequel son fils Mark Thatcher est impliqué. Mais la Dame de fer refuse de se prêter au jeu. Broomfield décide donc de la traquer tout au long de la tournée promotionnelle de son livre autobiographique. De librairies en hôtels, de conférences de presse en salons de coiffure, un jeu de chat et de souris se met en place...

13.10 > 20:00 + 20.10 > 22:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


Ron Howard, 2008, US, 35mm, vo st fr & nl, 122

En 1974, le président américain Richard Nixon est contraint de démissionner suite à l’affaire du Watergate. Quelques années plus tard, un jeune journaliste britannique, David Frost, se lance dans une entreprise folle : décrocher la première interview de l’homme politique déchu pour l’amener à se confesser et, enfin, rendre des comptes auprès de ses électeurs. Mais la tournure des événements va bientôt prendre un sens inattendu.
Ron Howard propose ici de remettre à jour les coulisses passionnantes de l’entretien historique qui bouleversa l’Amérique. Au delà de la reconstitution souhaitée, il nous livre la rencontre intellectuelle et spirituelle d’un journaliste arriviste et d’une personnalité conspuée. Dévoilant toute la complexité matérielle, financière et émotionnelle que représentait une telle interview, Howard s’empare littéralement de l’intrigue pour rétablir certaines vérités, en faveur ou en défaveur de Nixon. Préférant ne pas entacher plus que de raison l’homme politique, il dresse le portrait d’un homme brisé par le poids de la culpabilité, assujetti au culte que lui vouent certains et ébranlé par l’incompréhension générale. Loin d’être un plaidoyer en faveur de celui qui trahît son pays, Howard préfère au contraire rappeler à quel point les décisions prises furent lourdes, s’empressant même de souligner que certains désastres diplomatiques furent légitimes puisque correspondant aux attentes politiques.

13.10 > 22:00 + 20.10 > 20:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


Thierry Odeyn, 1983, BE, video, vo fr, 50

À l’occasion de la campagne des élections communales de 1982, Thierry Odeyn filme un documentaire décapant sur le racisme ordinaire, les débats faussés et la normalisation du "problème de l’immigration" dans le discours politique des grands partis de droite comme de gauche. Censuré par la RTBF, le film montre la mise en place d’un discours dont on retrouvera tous les éléments quelques années plus tard à propos des "sans-papiers". Un retour dans le temps édifiant qui nous montre combien le discours politique a été modifié en façade depuis l’octroi du droit de vote aux immigrés pour les élections communales, mais aussi combien les mentalités par rapport à l’immigration ont peu évolué.

En présence du réalisateur.

14.10 > 18:00
3,5€ / 2,5€ 7,5€ / 5€ (soirée / avond)


Carnet de notes à deux voix

Proposition de film sur l’immigration maghrébine en Belgique

Frédéric Fichefet & Rajae Essefiani, 2003, BE, video, vo, 73

1986. Roger Nols, bourgmestre de Schaerbeek, arrivait à dos de chameau sur la place de la maison communale schaerbeekoise, caricaturant ce qui aurait résulté, selon lui, de l’extension du droit de vote aux étrangers.
13 ans plus tard, Marc Verwilghen, ministre de la justice, commande une enquête pseudo-scientifique tentant d’établir le lien entre criminalité et origine ethnique. En posant la question, Verwilghen apporte une réponse de la manière la plus démagogique qui soit.
Frédéric Fichefet s’enflamme intellectuellement. Pour Rajae Essefiani, c’est la révolte intime. Avec d’autres, ils créent le "Comité contre le délit d’origine", et entament leur "Carnet de notes", questionnant les origines marocaines de Rajae, et son présent de citoyenne belge. Mais aussi celle d’autres belgo-marocains, à qui Rajae présente une lettre d’archive de 1964 invitant les Marocains à venir travailler en Belgique. Avec la question de savoir si faire un film sur l’histoire de l’immigration maghrébine leur semble important.
"Carnet de notes à deux voix" est une quête en plusieurs étapes pour une histoire de 40 ans, bouleversant les discours réducteurs que notre société charrie trop souvent sur l’immigration.

En présence des réalisateurs.

14.10 > 20:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 5€ (soirée / avond)


Hugues Le Paige, 2011, BE, video, vo, 52

Quand on filme un homme de pouvoir dans la proximité et la durée, qui est le véritable metteur en scène ? C’est la question que s’est souvent posée Hugues Le Paige en revisionnant, vingt ans plus tard, les rushes des cinq films qu’il a tournés entre 1989 et 1993 sur François Mitterrand. Un matériel qu’il décide de réexplorer et de réutiliser sous une autre lumière, celle du rapport complexe entre un réalisateur et son sujet, jamais à l’abri de l’instrumentalisation, de la flatterie et de la séduction. Avec le recul, de toute évidence, Mitterrand s’est servi du réalisateur pour façonner son image de Prince et son entrée dans la postérité. Jusqu’à ce moment où le Président français met brutalement fin à leur relation : "Si j’avais su qu’on allait tomber dans ces bas-fonds, je n’aurais pas accepté l’interview (...) Je ne répondrai pas à cette question que rien ne vous autorise à me poser. Notre conversation est terminée, Monsieur."

En présence du réalisateur.

19.10 > 20:00
3,5€ / 2,5€ 5€ / 3,5€ (soirée / avond)


How I Learned to Overcome My Fear and Love Arik Sharon

Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon

Avi Mograbi, 1997, IS, video, vo st fr, 61

En 1982, Avi Mograbi a refusé de servir dans l’armée pour la guerre contre le Liban. Le ministre de la défense de l’époque, Arik (Ariel) Sharon, est devenu depuis lors l’homme fort du Likoud. À l’approche des élections de 1996, Mograbi décide de brosser le portrait de cet homme qui à la fois le rebute et le fascine. Pendant une première période, la femme du cinéaste le pousse à faire ce film sur ce qu’ils croient être tous deux "le chant du cygne de Sharon", sauf que celui-ci ne se laisse pas approcher. Dans un second temps, Sharon est souvent croisé et filmé par Mograbi et mieux, se livre avec bonhomie à l’exercice, alors que la femme de Mograbi s’oppose de plus en plus vivement à la poursuite du tournage, jusqu’à quitter son époux. Renversement. Ainsi apparaît la dimension humaine d’un homme politique dont les crimes ne peuvent pourtant cesser d’horrifier : le rappel des massacres de Sabra et Chatila hante le film, comme pour nous empêcher de céder à notre tour à la "séduction" de Sharon.

19.10 > 22:00
3,5€ / 2,5€ 5€ / 3,5€ (soirée / avond)


Stefano Savona, Alessia Porto & Ester Sparatore, 2011, FR-IT, video, vo it st fr, 128

Chronique quotidienne de l’occupation de l’Hôtel de ville de Palerme par vingt familles sans abri, "Palazzo delle Aquile" dresse le portrait d’une institution publique dans des circonstances exceptionnelles. C’est aussi l’occasion d’enquêter sur les relations entre les différents acteurs de la cité, du citoyen aux représentants élus. À l’occasion du Festival Cinéma du Réel 2011, où il obtint le Grand Prix, Stefano Savona revenait sur son film, et plus généralement sur son approche documentaire : "Je voulais rechercher la dimension politique qui existe dans chacun de nous. Je suis convaincu que le privé ne peut pas être filmé par le documentaire, car dès que l’on est en groupe, notre discours devient politique. Je cherchais donc un milieu où l’on aurait pu étudier cette question presque comme dans un laboratoire, et je suis allé le chercher dans ma ville natale, Palerme". (Entretien accordé au Journal du Festival Cinéma du Réel – mars 2011).

Projection suivie d’une rencontre avec Stefano Savona.

21.10 > 18:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


Le mani sulla città

Main basse sur la ville

Francesco Rosi, 1963, 1963, 35mm, vo st fr, 105

Dès les premiers plans aériens d’une Naples en proie à un urbanisme sauvage, la sensation quasi documentaire de "Main basse sur la ville" crève l’écran, pour ne jamais quitter le spectateur. Dans les quartiers pauvres de la ville, de vieilles cités font l’objet de la convoitise de promoteurs privés qui veulent les raser pour y édifier des immeubles d’un autre standing destinés bien sûr à une clientèle plus aisée. Mais en dehors de leurs activités "privées", les promoteurs sont parfois aussi les garants de l’intérêt "public". C’est le cas de M. Nottola (Rod Steiger), qui cumule ses projets immobiliers avec un poste d’échevin à la mairie napolitaine. Un beau cas de figure, qui aurait pu mener Francesco Rosi à réaliser une simple satire de la situation politique napolitaine. Mais il n’en est rien. Mené à un rythme haletant, comme le récit d’une investigation sur fond de campagne électorale, "Main basse sur la ville" est un film sans concession qui dresse un constat implacable sur l’urbanisme, le clientélisme et la collusion entre le monde des affaires et la politique. Le voir ou le revoir aujourd’hui, c’est se prendre une claque. Car cette métaphore sur le délabrement politique d’une ville pourtant en pleine expansion économique, porte bien au-delà de Naples et de la politique des années 60.

21.10 > 22:00
5€ / 3,5€ 7,5€ / 6€ (soirée / avond)


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