Une sélection de films décalés et non conformistes, réalisés dans un contexte et un esprit indépendants. Du cinéma contemporain qui se démarque par son approche formelle ou un sujet inhabituel.
Une sélection de films décalés et non conformistes, réalisés dans un contexte et un esprit indépendants. Du cinéma contemporain qui se démarque par son approche formelle ou un sujet inhabituel.
Kûki ningyô
Hirokazu Kore-Eda, 2009, JP, 35mm, vo st fr & nl, 126’
Hideo, célibataire endurci, combat sa solitude en compagnie de Nozomi, une poupée gonflable. Il lui dit tout, l’habille, la lave, lui fait l’amour et lui souhaite une bonne journée en l’embrassant chaque matin. Dès qu’il est parti au travail, Nozomi prend vie. Elle revêt son costume de serveuse et s’en va promener dans le quartier, découvrant le monde avec une curiosité enfantine.
Comment vivre quand son existence dépend du souffle d’un autre ? "Air Doll" est un petit conte urbain poétique sur la solitude et ce que cela signifie d’être humain. Oser le pari d’une version contemporaine de Pinocchio à la sauce otaku n’était pas une garantie de réussite, mais c’est Hirokazu Kore-Eda qui l’a tenté. Il a déjà fait ses preuves, dans un registre plus classique, avec "Nobody Knows" et "Still Walking" mais s’était aussi essayé au fantastique avec le très beau "After Life". L’actrice coréenne Bae Du-Na ("Sympathy for Mr. Vengeance", "The Host") campe Nozomi avec un jeu plastique tout à fait convaincant.
Dominic Murphy, 2008, GB-US-HR, 35mm, vo st fr & nl, 90’
Dans les profondeurs moites du sud de la Virginie Occidentale, en la chaude année 1956, naquit Jesco, fruit de l’union de Birty Mae et Donald Ray White. D Ray, réputé comme un des meilleurs "mountain dancers", espérait que la vie sourirait à son fils sniffeur de benzine. Il pensait le remettre sur le droit chemin en lui apprenant cette danse traditionnelle, sorte de claquettes à l’appalachienne, qui avait fait de lui une célébrité. Mais le petit Jesco n’est pas très fort face à ses démons et est balancé d’institution spécialisée en institution spécialisée. Alors qu’il est une nouvelle fois en fugue, son père est brutalement tué pour une bête histoire. Pour honorer sa mémoire, Jesco se consacrera, à sa manière, à la danse des montagnes et se produira de bar en bar, accompagné de son grand amour, Enid. Mais les petites voix dans sa tête restent présentent et ses pulsions violentes ne sont pas facilement vaincues.
"White Lightnin’" est basé sur la vie du vrai "dancing outlaw", Jesco White, devenu une icône de la récente vague de white trash sublimée (consécration ultime : la fine équipe de Jackass vient de réaliser un documentaire sur la famille White). Le film se laisse tout de même des libertés scénaristiques et pousse le personnage au plus loin de ses dérangements.
Bruce Bickford, 2008, US, video, vo, 5’
En guise de mise en bouche, et pour vous préparer à la venue de Bruce Bickford le 11 mars, voici une grosse chatouille au cerveau par une langue baveuse et rugueuse, crayonnée par l’animateur génial. Une expérience à vivre !
Apan
Jesper Ganslandt, 2009, SE, 35mm, vo st ang, 81’
Krister se réveille ensanglanté, s’affole un tantinet puis pars au travail. La caméra va ensuite le suivre et nous décrire une journée très noire... Les frustrations quotidiennes de la société normative s’ajoutent au stress et au désespoir d’un personnage tendu, déboussolé, et qui semble avoir commis l’irréparable. Ce film dérangeant par son sujet et ses choix narratifs, nous permet d’accompagner dans l’horreur un personnage insupportable, mût par le stress, l’angoisse et la haine de soi. Le scénario a la bonne idée de se concentrer sur ce qui se passe après une catastrophe, quand la frontière est franchie et que plus rien ne fait sens. L’approche du sujet, typiquement scandinave, nous plonge dans une société dure et implacable où l’individu décalé et malade, n’arrive plus à s’accommoder des faux semblants, et pour qui le sport, la famille et la consommation comme palliatifs ne suffisent plus. Par le réalisateur de "Falkenberg Farewell".
Capucine, 2008, JP-FR, video, sans dial, 7’
L’histoire du cinéma revisitée par un singe capucin ! Cela semble difficile à croire, pourtant le Centre d’étude du langage animal d’Osumi a mis au point différentes techniques permettant à des singes, très complices avec l’homme, de "réaliser" un film. Le résultat est un projet audiovisuel forcément hors-norme. À voir également : le documentaire "Capucine", sur les travaux du laboratoire, présenté le 21 mars.
Yomigaeri no chi
Toshiaki Toyoda, 2009, JP, 35mm, vo st ang, 83’
Après "Blue Spring" (2001) et "Nine Souls" (2003), le réalisateur Toshiaki Toyoda revient avec ce film fantastico-onirique inspiré d’une légende kabuki. Dans une ambiance médiévale stylisée, "quand les démons régnaient sur les humains", un masseur réputé se retrouve, de force, au service d’un tyran halluciné et sans pitié, un "méchant" ultime. Un combat au delà de la vie et de la mort suivra, lors de séquences psychédéliques et surprenantes. Les dialogues et les ambiances toujours décalés, entre film de sabre japonais, Conan et Xena, induisent souvent en erreur sur le ton que le réalisateur cherche à donner à son film. Une vraie curiosité qui ravira les fans de genre, avec un twist. La musique de Twin Tail et l’esthétique radicale vont sans nul doute diviser et méduser le public venu voir ce film unique en son genre !
Yann Bertrand & Damien Serban, 2009, FR, video, sans dial, 6’
Un parcours énigmatique dans un monde où, privés artificiellement de sommeil, les humains projettent leurs cauchemars dans la réalité. Réalisé à l’aide de téléphones portables, ce court métrage est pourtant d’une qualité visuelle remarquable, avec des effets spéciaux surprenants.
In the Attic : Who has a Birthday Today ?
Na pude aneb Kdo má dneska narozeniny ?
Jirí Barta, 2009, CZ, 35mm, vo st fr & ang, 74’
Le dernier long métrage en date du maître tchèque Jirí Barta date de 1985, il y a 25 ans. Malgré le succès de son premier long "Krysar", il ne put obtenir suffisamment de soutien financier pour son deuxième projet, "Golem". Jirí Barta a pourtant du talent à revendre et n’hésite pas à sortir des sentiers battus avec son propre style d’animation, tout comme son compatriote Jan Svankmajer. "In The Attic" est une parfaite illustration de son imagerie bluffante et de sa volonté de pousser la tradition de l’animation tchèque dans son originalité, dans ses techniques artisanales, et dans sa critique sociale.
De vieilles poupées usées et d’autres jouets de récupération se trouvent valorisés et remis au premier plan dans l’animation en image par image et en prises de vue en temps réel. Un vieux fer à repasser devient un radiateur, une carte postale jaunie devient un paysage et des pions d’échiquiers deviennent des passagers de train. Une valise s’ouvre, des jouets apparaissent et viennent à la vie. Ils partent à la recherche de leur propriétaire, tombée aux mains de "la tête", un buste de dictateur qui dirige le monde obscure de la pièce voisine. La force visuelle et l’esthétique de "In The Attic" ravira autant les enfants que les adultes.
Nadia Micault & Lorenzo Nanni, 2008, FR, video, sans dial, 12’
Ava règne sur un marais peuplé de créatures féeriques. Un étrange personnage observe en secret ce royaume luxuriant, espérant y trouver la solution pour sauver son frère jumeau malade.
David Russo, 2009, US, video, vo st fr & nl, 100’
Après avoir perdu lamentablement son emploi, Dory finit concierge dans une grande entreprise de biscuit. Il y découvre des collègues aussi décalés que lui et en profite pour adopter une nouvelle vie sociale emplie d’excès. Ils dévorent ensemble une quantité déraisonnable de biscuits, aux effets secondaires étranges puisqu’il se retrouvent enceints et accouchent de créatures bizarres qui vont transformer leurs vies en "trips" incontrôlables.
Ce premier long métrage est une comédie absurde et visuellement osée où les effets, loin d’être gratuits, dépeignent une atmosphère originale permettant de lancer de nombreuses pistes narratives. Un délire de situations et d’images inédites qui servent les pérégrinations de personnages bien campés par de jeunes acteurs pertinents, qui ont l’air de profiter de la liberté insufflée dans le film.
Cory McAbee, 2009, US, 35mm, vo st fr, 61’
"Stringray Sam is not a hero, but he does do the things that folks don’t do that need to be done"
Il y a les westerns, les films de science-fiction, les comédies musicales, et puis il y a... "Stingray Sam", véritable ovni cinématographique en 6 épisodes conçu par Cory McAbee ("The American Astronaut") et sa bande de potes du groupe Billy Nayer Show. Fable burlesque, le film narre la quête de deux condamnés : les cowboys Stingray Sam (Cory McAbee) et son acolyte de toujours, le Quasar Kid (Crugie). Afin de récupérer leur liberté et de payer leur dette à la société, les deux compères s’engagent dans un voyage intergalactique pour sauver une jeune fille kidnappée. Divisé en six chapitres, le film est ponctué de séquences animées "informatives", qui ne seront pas sans rappeler les animations de Terry Gilliam dans les "Flying Circus". Enfilez vos santiags, attachez vos ceintures, sortez le crachoir à noyaux d’olive et surtout, accrochez-vous pour ce voyage au coeur de l’univers !
Denis Villeneuve, 2008, CA, 35mm, sans dial, 11’
Au plus haut étage d’un immeuble, onze aristocrates se rassemblent pour un dîner de luxe qui, très vite, ressemble plus à un carnage gastronomique. Une allégorie de la lutte des classes pimentée par une bonne dose d’humour noir.
Hélène Cattet & Bruno Forzani, 2009, BE, 35mm, sans dial, 90’
"Amer" est le récit cinématographique d’une vie, celle d’une enfant qui deviendra adolescente puis femme. Le film est fragmenté, l’intrigue minimaliste progresse par ellipses et ne s’encombre pas d’étapes inutiles, ni même de dialogues. "Amer" est avant tout une expérience sensorielle qui s’assume. Pas d’histoire-prétexte ici, on est là pour vivre ces 90 minutes les yeux et les oreilles grands ouverts. Le registre est posé dès le début, on est dans l’univers du giallo, thriller à l’italienne des années 1970, façon Dario Argento, Mario Bava ou Sergio Martino. Mais "Amer" n’est pas un giallo en tant que tel, c’est un hommage en même temps qu’un exercice de style, c’est un film à part entière qui tire sa substance des codes d’un genre, avec brio. L’expérience visuelle et sonore est époustouflante, l’ambiance et la réalisation soignée nous emportent dans les sensations de l’héroïne. Les gros plans sont à fleur de peau. Les regards sont pénétrants. On sent les caresses et les frissons, la séduction et la peur, l’érotisme et la mort. Un premier film réalisé par des mains expertes, gantées de noir...
En présence de Hélène Cattet, Bruno Forzani et d’autres membres de l’équipe du film
Cristóbal León, Joaquín Cociña & Niles Atallah, 2007, CL, video, vo st ang, 4’
Lucía nous chuchote à l’oreille les histoires qui la terrifient quand elle essaye de s’endormir, cachée sous la couverture. Sa voix glaçante nous hante pendant que sa chambre prend vie et que la peur se matérialise. Premier court métrage d’une série en cours ("Lucía, Luis y el lobo"), "Lucía" est une prouesse d’animation en stop motion. Ne ratez pas sa "suite" le 21 mars !
Alex Cox, 2009, US, video, vo, 85’
Le cinéaste Alex Cox, outsider iconoclaste qui compte une série de films cultes à son actif, n’en est pas à son premier conflit avec les grands studios. Il a notamment eu des ennuis avec son producteur Universal Studio, pour avoir donné une partie du budget de son film "Walker" aux sandinistes, lors du tournage au Nicaragua...
Quand la rumeur qu’Alex Cox tourne un projet nommé "Repo Chick" arrive aux oreilles des juristes d’Universal, branle-bas de combat : Alex Cox n’a pas le droit de tourner une suite à son "Repo Man" de 1984 sans l’aval du Studio, qui détient toujours des droits sur le film. Cox se défend de tourner la suite et parle d’un projet différent qui y fait juste référence. Le film est tourné. En 2009, alors qu’il s’apprête à le sortir, voilà qu’Universal annonce un film de science-fiction à gros budget portant le titre "Repo Men, en fait une ancienne production vaguement inspirée du concept de "Repo Man" qu’Universal n’a jamais su distribuer et qui portait un autre titre à l’origine. Or Universal n’aurait le droit de produire un remake du film d’Alex Cox qu’à la condition que ce dernier le réalise. Un conflit s’amorce donc entre Alex Cox et les studios. Même s’il n’y a pas vraiment de parenté entre son nouveau film et "Repo Man", il tient au lien. Le film, presque entièrement tourné devant un "green screen", est une satire de la crise économique mondiale et des "repossesions" des biens des plus pauvres, construite autour du personnage de Pixxi, repo chick, qui se trouve mêlée à un complot menaçant la ville de Los Angeles...
Vous pourrez découvrir cette avant-première lors d’une séance spéciale. En effet, la seule manière de vous faire découvrir le film sans se retrouver au coeur d’un procès est de le présenter... gratuitement ! Toutefois, selon les désirs d’Alex Cox, vous pourrez contribuer à soutenir une oeuvre caritative de son choix, si l’envie de vous délester du prix d’entrée d’un film vous prenait...
Luis Nieto, 2009, FR, video, vo, 45’
Voyage entre l’Alsace et le Centre d’étude du langage animal sur l’île d’Osumi, au Japon, "Capucine" nous montre le développement d’une expérience qui a duré plus de dix ans : le projet Oedipe - tentative d’apprentissage du langage et des codes cinématographiques à des singes capucins. L’un des spécimens (Capucine), particulièrement doué, peut être considéré comme le premier réalisateur simien de l’histoire du cinéma ! Le documentaire relate l’évolution du projet et dévoile comment le court métrage "Oedipe", présenté par ailleurs pendant Offscreen, a pu être "réalisé" par Capucine elle-même. Assisté par du matériel à la pointe de la technologie, le petit singe construit son film à partir de séquences préexistantes, dans une base de données contenant plusieurs millions de fichiers vidéos archivés et classés. Toute l’ergonomie des appareils ayant été spécialement conçue pour en simplifier l’utilisation par des primates, Capucine n’a plus qu’à agir selon les désirs de son imagination. Ainsi "Le Voyage dans la Lune" de George Méliès côtoiera des séquences du jeu d’arcade Donkey Kong de S. Miyamoto pour un résultat des plus... étonnant !
À noter qu’un projet similaire vient d’être réalisé avec des chimpanzés en Grande-Bretagne, sans doute inspiré par les travaux du prof. Yamamoto : http://chimpcam.com
Vladimir Perisic, 2009, FR-RU-CH, 35mm, vo st ang fr & nl, 80’
Le titre de ce film est en adéquation avec son histoire et sa mise en scène sobre et discrète : un jeune soldat serbe commençant doucement sa journée de nouveau dans une petite brigade de soldats. Sans trop savoir où ni pourquoi, ces derniers sont embarqués dans un bus. La jeune recrue a visiblement le temps de s’inquiéter de sa mission et de son intégration dans le groupe lors du voyage les menant dans une ferme isolée, inondée de soleil, où ils ne comprennent toujours pas leur assignation.
Vladimir Perisic propose un suivi hyper-réaliste de cette brigade de soldats, ballotés entre des situations désarmantes de simplicités mais à la fois éminemment complexes dans leurs implications, leurs absurdités et leurs horreurs. L’atmosphère est d’autant plus lourde que la guerre n’est pas désignée comme un souci d’universalité, et par la banalisation d’une violence pourtant extrême. Un film parfaitement maîtrisé, qui glace le sang par sa froideur et les liens d’identifications inévitables entre le spectateurs et ces gens ordinaires.
Cristóbal León, Joaquín Cociña & Niles Atallah, 2008, CL, video, vo st ang, 4’
Qui est ce Luis fantomatique que Lucía a rencontré dans la forêt ? Il nous murmure ses pensées sauvages pendant que les murs dessinent son récit. Les objets décomposés, les meubles et la crasse se déplacent dans cette pièce sombre, animés par un travail de prise de vue image par image hyper impressionnant. À couper le souffle.