C’était en un temps pas si lointain, quand l’été bruxellois pouvait encore n’être ni caniculaire, ni pluvieux. A cette époque, lorsque le Cinéma Legumen s’était installé sur un terrain vague du boulevard Emile Jacqmain, transformé le temps de quelques weekends en un potager-cinéma, la police interrompit intempestivement les festivités. Pour la seule raison qu’aucune autorisation n’avait été demandée. L’absence de plainte et le refus du public de quitter le terrain n’y avaient rien changé.
Depuis qu’il est devenu le Cinéma de la gare en 1997, puis le PleinOPENair en 1998, le cinéma ambulant initié par le Nova ne déballe donc plus son matériel dans une Commune s’il y est persona non grata. Certes plus confortable, cette pratique n’en est pas moins paradoxale : il y a évidemment des projets urbanistiques dont les responsables préfèrent qu’on ne s’y attarde pas trop. C’est la raison pour laquelle on ne verra pas le PleinOPENair investir bien des endroits où il aurait pourtant aimé se poser ‹ ou alors en mode « mineur », en profitant d’espaces privés.
A Bruxelles, des projets plus permanents, qu’il s’agisse d’espaces culturels (le Nova, par exemple) et de bien d’autres expériences sociales ou d’habitat collectif, ont été rendus possibles par la possibilité (légale) qui a été donnée à leurs initiateurs d’occuper des bâtiments à titre précaire ‹ dans un premier temps en tout cas... Ou parce que ceux-ci ont pris la liberté (illégale) d’occuper des immeubles vides sans solliciter l’accord de leurs propriétaires.
Malgré leur vulnérabilité intrinsèque vis-à-vis de la loi, ces occupations valent la peine d’être menées, ne fut-ce que parce qu’elles élargissent un champ des possibles dont la tendance est plutôt de se réduire à peau de chagrin. Et parce qu’elles mettent le doigt sur la problématique des immeubles abandonnés : on dénombre à Bruxelles entre 15.000 et 20.000 logements vides. Un chiffre qui laisse songeur, au regard des 5.000 nouveaux logements que la Région tente péniblement de construire et des 30.000 ménages inscrits sur les listes d’attente du logement social, sans compter les sans-abri évidemment non répertoriés, etc.
Jusqu’à quand les pouvoirs publics considéreront-ils que le droit à la propriété privée supplante le droit au logement ? Quant aux éternels arguments sur l’insécurité et l’insalubrité opposés aux actions de squat, que dire de l’insécurité que produisent les immeubles abandonnés et les chancres ? De la vétusté de bien des habitations pourtant mises en location sur le marché ? Ou encore, des mesures prises par certaines Communes pour expulser des sans-papiers mal logés plutôt que pour débusquer les marchands de sommeil qui pullulent dans notre belle capitale ?
Ces thèmes, ceux du logement et de l’habitat, sont en filigrane de cette nouvelle édition du PleinOPENair, neuvième du nom. Pour une déambulation à travers Bruxelles qui reste, malgré ce contexte de sale temps pour le logement, un moment de fête et de rencontre... Pour peu que la police ne le déloge pas et que la pluie ne le transforme en festival sans-abri.