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José Mojica Marins

Bien que son nom soit peu connu à l’étranger, José Mojica Marins est sans doute le réalisateur le plus renomé du cinéma underground brésilien. Il est connu autant pour le personnage mythique de Zé do Caixão (Coffin Joe), dont l’imagerie a fait le tour du monde et qu’il incarne lui-même, que pour sa production impressionnante. Marins commence à filmer à 9 ans, influencé autant par les comics américains que par la culture religieuse qui l’entoure, et réalise plus de 40 longs métrages et une centaine de films pour la TV, auxquels on peut ajouter des pièces de théatres, des comics, des disques de samba,... et même une gamme de produits de beauté ! Il est surtout connu comme réalisateur de films d’horreur, mais a touché à tout, du western au porno. Il est difficile, ici, d’imaginer à quel point il est présent dans la culture populaire brésilienne, son Coffin Joe est décliné sous toutes les formes imaginables. Marins ne connu cependant jamais vraiment le succès commercial et dû, dès ses débuts, faire face à une censure omniprésente. Le film qui devait boucler la trilogie des Zé do Caixão à la fin des années 1960 fut carrément interdit de tournage. Il faut dire que ce personnage, fossoyeur illuminé et blasphématoire qui terrorise les villageois bien-pensants et veut à tout prix féconder leurs femmes, n’est pas spécialement bien perçu par la dictature militaire. Sans pouvoir achever sa trilogie, Marins sera tout de même amené à jouer son alter-ego à de nombreuses occasions par la suite (notamment dans "L’Eveil de la Bête" qui fait partie de notre sélection), de manière d’ailleurs assez ambiguë, puisque beaucoup s’imaginent que Zé est la véritable personnalité de Marins. S’il réalise des films totalement différents des Coffin Joe, ceux-ci recèlent une dimension mystique et prophétique latente, avec toujours une fascination pour le culte, la mort, la réincarnation et le jugement divin.

Dans le cadre de cette rétrospective, et en présence de José Mojica Marins (qui fête ses 70 ans la semaine de sa venue à Bruxelles), nous vous présenterons bien sûr les deux épisodes originaux de Zé do Caixão, ainsi que "O Despertar da Besta" et "Finis Hominis".

Marins sera présent lors des 2 soirées de projections pour parler de son cinéma et sans doute nous annoncer une bonne nouvelle à propos du troisième Zé do Caixão...

Les films de José Mojica Marins sont présentés en 2 "double bills". Les séances sont accessibles indépendamment, mais un ticket combiné, plus avantageux, est disponible pour chaque paire de films.



José Mojica Marins, 1964, BR, 35mm, vo st ang, 81

Dans "A minuit je possèderai ton âme", Marins incarne lui-même le personnage de Zé do Caixão, imaginé dans un cauchemar, à défaut d’avoir trouvé un acteur acceptant le rôle. Il faut dire qu’il porte certainement mieux que quiconque cette longue cape noire et ce chapeau haut-de-forme, et que ses ongles qu’il laisse pousser depuis toujours sont parfaits pour le personnage. Coffin Joe est un fossoyeur cruel à l’ethique douteuse, capable d’arracher un oeil sans raison après avoir protégé un enfant menacé. Il a son propre sens moral et ne croit qu’en lui, ou en tout cas certainement pas en Dieu, ce qu’il ne cesse de répéter. Sa mission est claire : trouver la femme parfaite qui sera digne de porter son enfant, qu’il envisage comme un sauveur, voire un messie... Sa quête passe au-dessus de tout et justifie tous ses actes, du meurtre au viol. Ce n’est pas son premier film, mais son premier veritable succès populaire. Le fait d’avoir réalisé d’autres films avant et d’avoir déjà effrayé tous les producteurs potentiels l’obligea à financer lui-même ’A meia note...’, ce qui lui donna une totale liberté et le poussa à être très inventif dans la mise en scène et dans les effets utilisés. Marins aime jouer sur la représentation visuelle de l’horreur (têtes de morts, araignées, cimetières, ...) et filme des scènes surprenante de sadisme et de cruauté, parfois gore ou érotique, souvent assez surréalistes. Il joue aussi beaucoup sur l’imagerie du culte et du cérémoniel, ce qui donne encore plus de force aux paroles et aux actes blasphématoires de Zé.

17.03 > 22:30


José Mojica Marins, 1966, BR, 35mm, vo st ang, 107

"Cette nuit, je m’incarnerai dans ton cadavre" est la suite directe de "A minuit...", le film s’ouvre sur la dernière scène du premier. Coffin Joe poursuit ici sa quête de la femme parfaite, mais radicalise ses méthodes de recherche. Il kidnappe six femmes et les soumet à une série de tests et d’épreuves afin de déterminer laquelle pourra avoir l’honneur de se voir féconder par Zé do Caixão en personne. Après quelques détours, il semblerait qu’il ait enfin mis la main sur la mère potentielle de son enfant-messie, mais ses plans seront mis à mal par la malédiction de ses anciennes victimes, donnant lieu à une nouvelle scène étonnante, dans laquelle Zé sera amené à affronter la seule chose qui le terrifie vraiment : l’Enfer. Cette scène en couleurs est la représentation du rêve qui inspira à Marins le personnage. On sent ici que les moyens sont (un peu) plus importants, notamment dans les décors qui permettent aussi à Marins de montrer ses influences des univers de comics et de cinéma.

17.03 > 24:30


José Mojica Marins, 1969, BR, 35mm, vo st ang, 91

"L’Eveil de la Bête" est sans doute le film qui renforca définitivement l’image d’un Marins fou et décadent aux yeux du gouvernement brésilien. Le comité de censure voulut le faire arrêter après l’avoir vu ! Il traite ici d’expériences menées par un professeur voulant tester les effets du LSD sur la population pour analyser leurs désirs, leurs frustrations et leurs peurs, ce que le comité de censure interpréta comme une vive critique de la dictature. Pour des raisons économiques, Marins dû alterner tournage en noir et blanc et en couleurs en fonction de ce qu’il pouvait récupérer comme pellicule. Grâce à une utilisation inventive de ce mélange, il arrive à transformer cette contrainte en une particularité intéressante du film. Les scènes psychédéliques en couleurs sont évidemment perçues par la censure comme une incitation à l’usage de LSD et le film est donc purement et simplement interdit de sortie. "L’Eveil de la Bête" est paradoxalement le film de Marins le plus connu internationalement aujourd’hui, notamment pour cette utilisation de la couleur.

18.03 > 22:30


José Mojica Marins, 1971, BR, video, vo st ang, 79

La "Fin de l’Humanité" est un des films que Marins préfère, sans doute parce qu’il prouva qu’il était capable de faire autre chose que des films d’horreur et d’incarner un autre personnage que Zé. Il était enchanté que le Nova le choississe, ce qui tombe bien puisqu’il illustre parfaitement le caractère religieux et messianique dont la filmographie de Marins est empreinte, ici présente dans toute sa démesure. Finis Hominis est un personnage prophètique inspiré des innombrables prêtres extorquant l’argent des pauvres en abusant de leur crédulité, qui ont toujours été très présents au Brésil, aujourd’hui plus que jamais sous la forme des télévangélistes. Mais contrairement à eux, Finis Hominis apporte à ses disciples un message d’indépendance et de foi en soi. Le film débute par l’apparition mystérieuse de ce personnage nu, sortant de la mer, puis le suit dans son errance, enchaînant bonnes actions et miracles, en conquérant ainsi le coeur des fidèles qui le suivent en troupeau.

18.03 > 24:30


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pos: aval