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Chasser le naturel...

/ J’aime beaucoup ce texte, mais je le trouve trop « interne » pour être publié. - Il est peut-être un peu trop « télégraphique » ? - Non, c’est pas une question de style. La lecture est fluide, mais c’est parfois difficile de saisir ce qui est écrit sans avoir vécu une expérience du genre. Il est un peu trop « pour initiés ». - C’est une tentative d’immersion totale dans le processus de restructuration Nova, à partir de mes notes personnelles. Bien sûr, tout ça est difficile à saisir, en premier lieu pour nous-mêmes ! Mais justement, l’aspect interne est vraiment important à publier !!! Ne soyons pas trop pudiques ! - Mais il y a des expressions qui ne sont pas expliquées, un processus qui n’est pas mis en perspective depuis quand, pourquoi... /

Evaluation, auto-évaluation, restructuration, accompagnement méthodologique. Les mots sont encore trop imprécis, on rôde, on tâtonne, mais on y revient sans cesse comme un aimant. On en parle d’association en association tout en essayant d’échapper à la tentation de faire appel aux experts du prêt-à-porter... Comment on s’associe ? Que se passe-t-il entre le collectif et les individus ? Comment cela fonctionne ?

Le Nova aussi. Une, deux, trois, quatre, cinq "retraites" afin de prendre le temps de penser le fonctionnement du collectif (voir dessous "Comment fonctionne le Nova ?"), puis l’apparition de nouveaux espaces de travail, de noms compliqués (ROG,...), de nouvelles manières de faire. bref une panoplie complète pour chasser le "naturel" sans qu’il revienne trop vite aux galop.

Carnets de note et bouts de ficelles
Immersion. En relisant mes notes, je m’aperçois que nous avons abordé pas mal de trucs qui me semblent intéressants à prolonger, à relancer (d’une manière ou d’une autre, mais pas dans tous les sens.).
Tout d’abord la sensation que quelque chose s’est passé. mais quoi ? Une sorte de rapprochement entre les désirs des différents membres de l’équipe du Nova et les "désirs" de la structure elle-même. Ralentir, trouver des rythmes adéquats et plus fluides, être plus en phase avec l’investissement personnel de chacun. Mettre en avant des choix de vies tant par le biais des programmations que par le fonctionnement du Nova... quelque chose du genre...
Accueil. Comment construit-on l’accueil dans un collectif déjà en marche ?
L’importance des témoignages, des accompagnateurs... Systématiser la prise en compte des sensations des nouveaux membres lors des réunions existantes : programmation, réunion du mardi...
Professionnalisation, spécialisation ou expérience ? Certains mots reviennent sans cesse hanter les débats... Il faut s’en méfier comme de la peste... les pousser dans leurs retranchements, peut-être en créer d’autres... surtout quant ils se frottent à la notion de salariat ou posent en filigrane la distinction entre instituant et institué.
Comment transforme-t-on un noyau dur ? Le noyau dur est en quelque sorte le groupe qui a reçu l’anneau magique à force d’implications dans l’association mais qui (contrairement au film) tente aujourd’hui de faire en sorte de le passer de mains en mains en se posant la question de la transmission des savoirs afin de faire face à une autre question fondamentale... celle de l’usure.
Effets. Ne pas repartir sans cesse à zéro, concevoir les changements de fonctionnement comme un "work in progress" (l’expression n’est pas terrible mais a le mérite d’être clair) qui se base sur les effets produits par chaque modification. Eviter d’évaluer en fonction des personnes (t’as pas fait ça, t’as mal fait ça, j’ai pas fait ça...), plutôt se poser la question "qu’est-ce que ce changement a produit sur le fonctionnement ?"...
Dispositif. Mettre en place un dispositif qui permette d’inclure les mises en pratique ainsi que leurs évaluations dans la pratique courante du Nova. Envisager ce travail comme faisant partie intégrante du projet et non seulement comme un plus à traiter en dehors du projet (retraites, journées d’évaluation...) afin d’y trouver un rythme, une constance et plus de légèreté...

Une sorte de mémoire vivante...
Revenir aussi à ce que Valérie Marange appelle une "écologie des pratiques" (voir dessous : 1). La constitution d’une sorte de mémoire vivante, sensible aux faiblesses, aux écarts entre les "dire" et les "faire". Ne pas être seulement dans la production d’événements culturels mais s’aménager des espaces de "temps morts", de détente, des espaces d’où surgit l’involontaire... Porter une attention particulière à l’ambiance (le premier objet de la construction c’est l’ambiance de vie) généralement négligée dans les processus collectifs. Développer une "politique du contenant", se mettre d’accord sur des manières de co-exister...

S’inspirer d’autres pratiques collectives. Le principe de dérèglement (Guattari à la Borde) : faire tourner les rôles/ne pas rester sur des fonctionnalités fixes au fil des ans. Ne pas toujours être dans le contre, dans le réactif (qu’est que je propose ?) ; le critère du coopératif chez Act-Up (où la question de la légitimité du discours de chacun n’est pas posée) ; introduire la notion de "jeu" dans nos réunions (Starhawk : 2) ; se construire un système de prise de parole lors des réunions (Act Up : 3)... (à suivre)

Et maintenant ?
Créer de nouvelles habitudes, cela ne marche pas tout seul... cela ne va pas de soi... Il y a même une certaine gêne à aborder tous ces points... Il faut y aller lentement, braver certains mythes romantiques et tenaces sur l’importance du "naturel", du "spontané"... faire petit à petit confiance aux nouvelles propositions, les expérimenter à chaque fois comme une nouvelle aventure collective.

Il faudrait aussi pouvoir dire que nos échecs sont souvent plus chaleureux et intéressants que bien des victoires-vérités qui nous entourent et que l’on voudrait apprendre à choyer nos problèmes, apprendre à les tailler comme des joyaux... afin de chasser le désespoir qui s’infiltre partout...
On est beau, parfois fatigué, parfois faible, mais désormais on oubliera plus d’inventer collectivement nos machines de rechargements énergétiques.

BAFARA

1) cfr. L’émission "boîtes à outils" n°1 du C.S.T., consacrée à V Marange. http://cst.collectifs.net/
2) Voir à ce sujet le très beau chapitre "Construire la communauté : Les processus de groupe". "Femmes, Magie et Politique", Starhawk, Les empêcheurs de penser en rond.
3) "C’est ce qui nous a toujours fait rire quant un militant d’une autre association atterrissait en RH : le système de prise de parole à Act Up est tellement sophistiqué qu’il n’y comprenait rien. Il est vrai qu’on y intervient pas de n’importe quelle manière. Il faut lever la main pour faire connaître son intention de prendre la parole, lever les deux mains croisées pour signifier la volonté d’abandonner son tour, pointer l’index vers le bas pour demander à réagir en temps réel après une intervention particulière. Quiconque oublie ces règles est rappelé à l’ordre, à moins que son intervention ne soit très drôle." Act Up, une hitoire, Didier Lestrade, Edition Denoël.



Collectivement
Au Nova, il n’y a pas de directeur artistique et pas de directeur tout court. Il s’agit plutôt d’une structure ouverte, d’une expérience collective. Le Nova est un lieu où s’échangent et se transmettent de nombreux savoirs (malgré un système d’apprentissage "informel", il est même reconnu et sollicité pour des qualifications rares).
Le Nova est principalement organisé autour de trois types de réunions : de gestion (la réunion du mardi, chaque semaine), de programmation (mensuellement), et d’orientations générales (les "ROG", au moins trois fois par an).

Bénévolement
Le "bénévolat" (certains diront "engagement", "militance") implique que l’investissement des uns et des autres soit parfois très inégal, ou que les "rôles" ne soient pas toujours clairement établis entre eux Ainsi, nombreux sont les "membres" polyvalents. Cette possibilité de passer d’une position à une autre est l’une des formes non-hiérarchique de l’horizontalité recherchée. Elle n’empêche pas des formes de spécialisation, pouvant correspondre à des envies personnelles voire à des nécessités propres à certains aspects d’un tel projet.

Sous forme d’ASBL
Le Nova ne prétend pas que son fonctionnement soit "novateur". Il incarne peut-être une vision quasi-archétypale d’une association telle que définie par l’esprit de certaines lois et décrets sur les associations sans but lucratif (rappelons-nous de la notion d’un "objet social" partagé par des "membres", d’outils créés en commun, etc.).
Mais à une époque où le fonctionnement de beaucoup d’ASBL s’apparente à celui d’une PME, ce mode de fonctionnement semble paradoxalement provoquer un manque de reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Trop remuant, trop hybride, trop flamand ou trop francophone, le Nova n’a jamais cessé d’être un "cinéma d’urgence", à qui on ne permet d’avoir que des projets à court terme.

Dans l’urgence !?
Vouloir changer cette situation amène à se poser d’épineuses questions. Celle de la professionalisation, ou plutôt du salariat, de la coexistence entre emploi et bénévolat. Celles aussi des lieux et des modes de décision (recherche du consensus plutôt que recours au vote), de l’accueil des nouveaux, de l’évaluation Et encore bien d’autres, objets de moultes discussions au sein de l’équipe. Il y a deux ans, une série de moments de réflexion (groupes de travail, "retraites") furent organisés. Ainsi, à force de débats et de délibérations, se forge peu à peu un mode de fonctionnement, une "structure" propre au projet.
Ce n’est pas que le virus de la réunionite ait frappé ici. Mais la volonté existe de prolonger l’expérience Nova, tout en cherchant les moyens d’éviter les écueils évidents de "l’institutionnalisation". Ceci dit, prendre des décisions c’est bien encore faut-il prendre le temps de les expérimenter, les éprouver, les évaluer, les mettre en pratique. C’est l’ambition de cette "pause active".



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