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TERRA INCOGNITA

Le documentaire serait’ il une des dernières terra incognita ? A en juger d ’après les films présents dans cette programmation, on pourrait en tous cas le penser. Du journal intime au ciné-poême en passant par l’ essai ou l"expérimental, le terreau documentaire témoigne d’une extraordinaire fertilité. Genre traditionnellement pauvre, dans le sens où il se satisfait de peu pour exister, le documentaire peut expérimenter en toute liberté de nouvelles formes d"expression cinématographique.

L’ été est là avec ses envies vagabondes ou ses spleens de retour de vacances. La sélection a donc mis le cap sur les films où il est question de voyages initiatiques, de rencontres singulières avec une autre culture. Pour traduire l"expérience de l"altérité, le cinéaste-voyageur ne peut compter sur les recettes éprouvées du cinéma. Il doit inventer un nouveau langage qu"il sera le seul à parler puisque chaque expérience est unique mais qui sera compris de tous parce que tout le monde y a été confronté.

Que devient le documentaire lorsqu’il coupe ses amarres avec le naturalisme, avec l"enquête ou le témoignage ? Vers quelles terres inconnues les vents et marées de la création vont ils le pousser ? Qu"y a t"il au-delà de l"horizon, aux confins de l"imaginaire et de la subjectivité ? En bref, que devient le cinéma documentaire lorsqu"il n"est plus vraiment documentaire ? Ce sont quelques unes des questions qui nous ont guidés tout au long des préparatifs. Alors, si l"aventure vous tente, rejoignez nous pour cette expédition en terra incognita Š



Thierry Knauff, 1995, BE, 35mm, vo st fr & nl, 55

Quelque part dans la forêt équatoriale à l’est du Cameroun vit une communauté de pygmées. Nulle trace de civilisation occidentale. La vie y est restée traditionnelle : les Baka construisent des huttes en branchages, chassent avec des flêches empoisonnées, pratiquent le chant polyphonique, et les anciens racontent aux enfants les récits légendaires que les enfants reprennent en choeur. "Baka" est un peu l’archétype d’un peuple en harmonie avec la nature. C’est une Afrique préservée, une Afrique originelle, aux "antipodes" des images auxquels le téléspectateur a droit au journal télévisé.
Avec "Baka", Thierry Knauff a soigneusement évité un des écueils du documentaire : l’explication. D’emblée, il admet le mystère d’une culture qui lui est définitivement étrangère. Les dialogues ne sont pas traduits... mais on écoute d’autant mieux la mélodie des mots. Les rituels ne sont pas commentés ... mais on entrevoit un monde invisible. Les images et les sons ont été travaillés avec un soin minutieux pour restituer toute la "beauté" qui émane de la culture Baka. A travers elle, le réalisateur nous invite à nous ouvrir aux valeurs qui lui ont donné naissance.

14.07 > 21:00 + 22.07 > 20:00 + 28.07 > 20:00 + 05.08 > 21:00


Augenzeugen der Fremde
Gustav Deutsch (Aut) et Mostafa Tabbou, 1993, 16mm, 33"
En 600 plans de 3 secondes, réalisés en Afrique par Gustav Deutsch et en Europe par Mostafa Tabbou, le film compose une mosaïque de paysages, de situations, de gestes et de traversées. Chacun tourne ce qui le touche, le surprend, l’ attire. Les fragments qu’ils captent d’une réalité étrangère donnent à voir, comme des miroirs à peine perçeptibles, l’ image éclatée de notre monde toujours en devenir. Le cinéma de Gustav Deutsch consiste à classer les images, leur registre, leur forme, leur composition, mettant de côté leur contenu, leur histoire. Par cette recherche, Deutsch aboutit au constat que le cinéma est aussi un art mesurable, que l"on peut classer, cataloguer.

+ Edyta & Vincent Sorrel [Fr]

Philippe Lopez, 1999, FR, video, vo, 15

Inspiré de la poésie mystique orientale, cette légende est avant tout la métaphore d’une quête intérieure : l’histoire d’une femme du Cachemire qui, pour répondre à un désir absolu de vivre, se donne en sacrifice aux eaux du marais. En longues glissades sur les eaux endormies, les images noir et blanc de Philippe Lopez captent le mystère de ces terres englouties.

Groot huis

+ _DEL__DEL__DEL_

Didier Vockaert, 1999, BE, 16mm, 5

Une croisière sur le Nil avec bains de soleil autour de la piscine et visites obligées de sites archéologiques. Tourné en super-8 et sonorisé avec une musique kitsch de Dalida, le film brosse le tableau d’une Egypte d’opérette.

20.07 > 22:00 + 27.07 > 20:00 + 03.08 > 22:00


Henri-François Imbert, 1999, FR, 35mm, vo fr , 80

Doulaye Danioko était l’ ami de son père. Henri-François n’était alors qu’un gamin de 5 ans, fasciné par ses récits de chasse au lion. Un jour, Doulaye est parti et n’ a plus donné de nouvelles. Bien des années plus tard, le réalisateur entreprend un long voyage pour retrouver sa trace. Il débarque à Bamako avec quelques renseignements périmés. Commence alors une incroyable enquête à travers tout le Mali.
Le film poursuit deux mouvements opposés : l’un tourné vers la perte d’une amitié et l’autre vers de possibles retrouvailles. La matière même du film exprime cette dualité : alternance d’images super 8 et video, passage du son direct à la voix-off. Au cours de ce voyage dans l’espace et dans le temps, le réalisateur partage avec nous ses réflexions intimes.
Comme pour son précédent film ("Sur la plage de Belfast"), l’enquête menée par le réalisateur n’est qu’un prétexte à se projeter dans le monde, à briser les barrières qui nous sépare de l’autre, à partir à sa rencontre. Filmeur et filmés vont construire ensemble une nouvelle réalité où l’humanité de chacun et l’ imaginaire collectif vont pouvoir se révêler. Les films de Henri-François Imbert sont des petits moments de grâce qui nous font voir le monde autrement.

14.07 > 22:00 + 22.07 > 22:00 + 04.08 > 22:00


C’est le journal intime d’une jeune-femme partie en Guinée pour réaliser un rêve d’enfant. Elle raconte son arrivée à Conakry, ses premières rencontres, son installation, ses ballades sur le front de mer, ses bars favoris ... Elle fait le récit des menus évènements de la vie quotidienne qu’elle observe avec détachement : le bureau de poste ouvert et pourtant fermé, le boy qui s’achète des vêtements avec l’argent des courses, la petite fille à l’odeur d’oçéan, ... Dès les premières images, on est saisi par la nostalgie et par le charme des films de vacances : plages bercées par les vagues, timbres kitschs sur les enveloppes avec en prime le vélouté du super 8, les couleurs saturées. Et puis, il y a le commentaire, un commentaire qui, au début, surprend par son côté abrupt et tranchant mais qui, très vite, laisse entrevoir toute la tendresse que la cinéaste porte au monde qui l’entoure. Il est jalonné de petites touches d’humour naïf et caustique à la fois. Parlant des habitants, elle les trouve "pas agressifs ni pots de colle pour un sou, mais sans le sou justement". Franssou Prenant qui a également réalisé "Paris, mon petit corps est bien las de ce grand monde", est la monteuse des films de Raymond Depardon, Romain Goupil, ainsi que Jacques Kébadian.

14.07 > 20:00 + 21.07 > 21:00 + 04.08 > 20:00


Wojciech Staron, 1998, PL, video, vo st fr, 58

A peine sortie de l’université, Malgorzata est envoyée en Sibérie pour enseigner le polonais dans une école. Son ami Wojciech - qui termine des études de cameraman - l’accompagne avec une petite caméra 16mm. Une fois sur place, ils vont de surprise en surprise. Rien n’est prévu : ni élèves, ni salaire. L’ ex-URSS est alors en pleine décomposition. Mais leur route croise un prêtre polonais qui les initie à la vie de la communauté. Dans le dénuement matériel, ils retrouvent le sens des vraies valeurs. "La leçon sibérienne" est le récit d’un voyage initiatique, d’une leçon de vie qui les aura marqué pour toujours.
Filmé avec une simple Bolex à ressort, le film ne comporte pratiquement pas de sons synchrones. De cette contrainte technique, le réalisateur a su tirer parti pour donner aux images et aux sons une densité rare. Débarassée de toute redondance sonore, les images retrouvent la force expressive du cinéma muet. La bande son a été façonnée en studio avec une simple musique de piano et la voix de Malgorzata qui confie ses pensées et ses émotions à un journal intime.
Pour son premier film en tant que réalisateur, Wojciech Staron a obtenu le Grand prix du Cinéma du Réel en 1999.

21.07 > 20:00 + 28.07 > 21:00 + 05.08 > 20:00


Nicolas Humbert & Werner Penzel, 1995, CH, 35mn, vo st fr, 80

Déjà présenté lors de la fête berbère en décembre dernier, le ciné-poême de Humbert et Penzel (mis en musique par Fred Frith) est de retour au Nova pour quelques séances supplémentaires. "Middle of the moment" est un voyage en compagnie des nomades touaregs, des artistes du cirque O et du poète-vagabond Robert Lax. Leur vie sans attaches et dépouillée du superflu fait d’eux les êtres humains les plus centrés sur eux-mêmes. Ce retour à l’essentiel les rend aussi plus sensibles aux bruissements du monde. Pour traduire ce rapport à eux-mêmes et au monde, à la beauté éphémère du Moment, les réalisateurs ont créé un film d’une poésie rare. "Nous n’avons pas seulement cherché à comprendre les formes traditionnelles ou nouvelles de la vie nomade. C’était également la quête du vocabulaire poétique du cinéma, avec toutes les possibilités d’improvisation qu’il procure : un processus d’invention, la quête d’un mode de vie dans lequel les découvertes demeurent possibles ; c’est ce que le cinéma devrait également être." N. Humbert & W. Penzel, cité par Mathieu Delvaux dans son mémoire "CineNomad, en quête de temps mort".

13.07 > 20:00 + 21.07 > 22:00 + 27.07 > 22:00 + 05.08 > 22:00


Alexander Sokurov, 1996, RU, video, vo st ang, 44

Un rivage lunaire, une île dans la brume, une lueur rassurante, un personnage fantômatique... et la voix de Sokurov qui murmure "Suis-je au paradis ?" En quelques plans, le film de Sokurov parvient à nous transporter dans un monde surnaturel et à établir un contact sensible avec le méta-physique.
"Oriental Elegy" est le premier chapître d’une trilogie sur la culture orientale. A travers ce film, Sokurov tente de dévoîler l’âme japonaise. S’adressant à des gens simples mais d’une grande richesse spirituelle, il leur pose des questions aussi naïves et éternelles que "Qu’est ce que le bonheur ?" ou "Pourquoi les poèmes sont-ils tristes ?". Au terme de son incursion dans l’ au-delà, Sokurov se sent en communion avec ces êtres et songe à ne plus rentrer chez lui.
Avec le concours de la télévision publique japonaise, les images video ont été retravaillées pour produire un effet proche de l’oeuvre picturale. Au niveau de la bande son aussi, l’attention extrême portée aux sons naturels donnent un relief particulier aux scènes qui composent le film. Les trois rencontres qui ponctuent ce film renouvellent le genre de l’interview, pour autant que ce mot ait encore un sens dans l’univers métaphysique de Sokurov.
"Oriental elegy" a obtenu le Premier Prix du jury international au Festival du Film d’ Oberhausen en 1996.

Journal Africain
Yervant Gianikian & Angela Ricci Lucci (It), 1994, Beta SP, 8’

Les deux maîtres du found-footage ont exhumés les films d’un voyageur français des années trente.
Par un traitement de l’image et du son, ces images révèlent ce dont le filmeur lui-même n’avait pas conscience, son regard colonialiste.

22.07 > 21:00 + 04.08 > 21:00


Nicolas Rey, 2001, FR, 16mm, 180

Un cinévoyage au pays qui n’existe plus, un impossible périple rectiligne jusque Magadan, le nouveau film de Nicolas Rey est filmé en super 8 au moyen de pellicules soviétiques aux couleurs délavées, prolongées d’écrans noirs quand l’image vient à manquer et sonorisées à l’aide d’un simple dictaphone, des impressions de voyageur prises sur le vif et les bruits de fond. Du journal filmé au documentaire, le voyage et le film tiennent au refrain d’une chanson et au souvenir d’un grand-père, au defi d’y aller, d’avancer, de manger et de dormir dans un pays où tout semble s’être arrêté : un guichet de gare kafkaïen pour obtenir un billet de Siberien, un manège abandonné à Tchernobyl, une rue boueuse d’un village de bagnards, un pétrolier rouillé sur la Lena, et finalement une vieille Lada qui roule ...
Nicolas Rey ne s’appelle pas ainsi en hommage au célèbre cinéaste américain (c’est lui qui avait un pseudo), il n’est même pas le fils du cinéaste expérimental français Georges Rey (inoubliable vache qui rumine). Il persiste à bricoler des films depuis 1993, et passe l’essentiel de ses journées à L’Abominable, un atelier collectif de développement et tirage de films qu’il à contribué à créer à Paris en 1995.
(Pour cette projection de 3heures, deux courtes pauses sont prévues).

15.07 > 20:00 + 29.07 > 20:00


Annick Leroy, 1999, BE, 16mm, vo fr & nl , 87

Les cours d’eau ne connaissant ni frontières ni obstacles, Annick Leroy fait du long Danube le personnage principal de ce documentaire-voyage. De sa source à l’embouchure dans la Mer Noire, la cinéaste nous emmène dans une longue dérive visuelle et sensorielle. Le film débute en Allemagne de l’Est avant de traverser l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie, s’échappant toujours plus vers l’Est. Dès les premières images, le film nous berce avec la lenteur que seule la dérive d’un faible courant entraîne. Ainsi au rythme de longs déplacements dans les plaines, forêts et montagnes bordant le fleuve, Annick Leroy se fait le guide des flots et des rives, de la lumière et des ombres, du temps et du moment, de tout ce qui marque et subjugue cette dérive. Posant ses rames de temps à autre, au gré de ses rencontres, la cinéaste fait entendre des témoignages historiques, philosophiques ou même anodins, jalonnant le film de subtils panneaux directionnels. Car elle ne s’embarrasse point de repéres géographiques (nulle indication du pays traversé). Au terme de ce parcours filmique, les images, que l’on ne peut retenir, voguent et se diluent vers d’autres horizons, comme le fleuve dans la Mer Noire. Egalement photographe, Annick Leroy sait combiner à son avantage la composition du cadre avec le mouvement et le son du cinéma. Elle insuffle le mouvement au temps et le bruit aux instants.

13.07 > 22:00 + 20.07 > 20:00 + 28.07 > 22:00 + 03.08 > 20:00


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