Nous vous parlions, le mois dernier, d’une petite sauterie organisée par la Communauté française pour fêter l’acquisition de l’ex-Pathé Palace (alias Kladaradatsch). Nous vous décrivions brièvement la composition des mets exquis. Et la folle ambiance de la soirée, où quelques centaines de personnes choyées comme coqs en pâte par les chefs (coqs) du soir, avaient pu profiter d’une inhabituelle abondance tout en avalant les paroles d’un ministre de l’audiovisuel s’adressant à eux en direct de Cannes.
Nous terminions en expliquant pourquoi la digestion des zakouskis avait fini par nous rendre rouges comme un coq. Une indiscrétion nous avait été glissée à l’oreille : les festivités avaient coûté la coquette somme de 3 millionsŠ
Naïfs comme nous sommes ! Nous étions en fait bien en-dessous de la réalité. Les 3 millions en question ne concernaient que les frais inhérents à la partie bruxelloise de la soirée ; la partie cannoise comportant, elle aussi, son lot de frais techniques (le duplex aurait coûté près de 100.000 francs la minute), de voyages et de repas divers, pour un montant avoisinant les 4 millions.
Le gallinacé se serait donc joliment plumé pour pousser son cocorico : qu’on nous démente si nous allons trop loin, mais 3 + 4 faisant 7, ce seraient 7 millions qui ont été engloutis dans "l’inauguration" du nouveau Palace. Une somme avec laquelle il aurait pu, par exemple, aider quelques salles de cinéma nécessiteuses, festivals en difficulté ou autres films en projet. Mais là ne sont pas ses priorités, probablementŠ
CECI N’EST PAS UN CHAPEAU
Stoppons là les critiques, et tâchons de profiter pleinement des prestigieux événements culturels que les six prochains mois nous réservent. Car après les cocoricos francophones, place aux coups de chapeaux tri-communautaires et européens ! Présidence belge oblige, la note sera bien plus salée que la "duplex-party" du Kladaradatsch, mais elle sera divisée entre les trois communautés. Oui, maisŠ quelles avancées politiques, sociales ou culturelles méritent-elles d’être tant saluées ?
Et que se cache-t-il au juste sous ce "Chapeau Europa", qu’on nous annonce le 9 juillet à Bruxelles pour célébrer la présidence belge de l’Europe ? Est-ce un crâne chauve, celui d’une ville qui s’est arraché les cheveux à force de ne plus comprendre comment elle est organisée et de quelle sorte d’Europe elle est devenue la capitale ? La coiffure hirsute d’un service public qu’on semble mener irrémédiablement vers son démantèlement ? Ou peut-être un monstre à trois têtes, symbole de trois communautés soudainement unies quand il s’agit de se montrer au reste du monde ?
Officiellement le chapeau est une référence à l’oeuvre de Magritte (qu’on mange décidément à toutes les sauces), mais il masque mal l’absurdité des "réalités politiques belgo-bruxelloises. Les rois du marketing qui ont trouvé dans le chapeau un symbole fort (celui de la Belgique à l’heure de présider l’Union Européenne) ont cependant fait preuve d’un certain bon sens : la politique belge est vraiment surréalisteŠ