Dans une société où le rôle de l’image et des média de communication est devenu prédominant et tend à l’uniformisation, où le phénomène de privatisation a déjà atteint les services publics, le Nova est né de la volonté d’ouvrir et d’animer des outils et des espaces de recherche, de réflexion, de connexion, de confrontation, de création et d’expérimentation autour de l’image en général et du cinéma en particulier.
Du "cinéma d’urgence" à aujourd’hui...
Ce projet s’est concrétisé en particulier en 1997 essentiellement mais pas uniquement, autour de l’ouverture, de l’animation et de la programmation d’une ancienne salle de cinéma bruxelloise vouée à l’abandon et à la démolition par la spéculation immobilière. Et de sa réhabilitation en "Cinéma Nova" : un lieu d’expression (inter)culturelle et de critique sociale, articulé autour des usages contemporains, artistiques ou non, des média audiovisuels.
Ici et maintenant
Ancré dans les réalités bruxelloises, le Nova y occupe une place singulière due à une politique de programmation spécifique et inédite. En tant que lieu, il est identifié comme un espace de découverte, de dialogue et de convivialité. Il est à la fois ce lieu proposant une programmation s’écartant des conformismes comme des standards économiques ; c’est en même temps un projet qui s’inscrit dans une réalité urbaine et sociétale dualisée et dominée par le secteur marchand, un projet qui utilise l’espace public comme lieu d’expression à re politiser (au sens étymologique du terme), et tente de fonctionner en ouverture sur le monde et de participer à des changements sociétaux.
Dans ce contexte où les pouvoirs médiatiques et économiques sont de plus en plus concentrés, il est urgent de développer d’autres modes et d’autres formes d’expression ; des pouvoirs et des savoirs collectifs.
Plate-forme polymorphe
Le Nova utilise l’expression audiovisuelle et culturelle au sens large comme un moyen d’éducation, de sensibilisation, de formation et de débat. Il propose en effet des activités articulées autour de questions de société et destinées à permettre la réflexion. Il se consacre notamment à la diffusion, à la production et à la promotion d’oeuvres audiovisuelles liées à un contexte créatif et politique contemporain.
Le Nova est un projet en maturation constante. Il se conçoit comme un écran ouvert à des créations réalisées dans une démarche d’indépendance/autonomie artistique, économique et éthique, à des oeuvres qui témoignent d’une recherche au niveau de la forme comme du contenu. Il réserve par ailleurs une place aux genres "mineurs", disqualifiés/dénigrés par une certaine orthodoxie. Il veut participer à démystifier le cinéma en accueillant films d’amateurs, les formats film ou vidéo non professionnels, sans limitation de durée et de support, etc.
Le Nova entend le cinéma comme expérience se nourrissant d’influences artistiques et culturelles multiples, comme "langage" pour décrypter/construire le monde et comme expression de visions personnelles/singulières/subjectives non soumises à une pensée dominante/majoritaire.
Le Nova ne se contente pas de présenter des créations, mais cherche à les contextualiser par rapport à une communauté, un brassage de genres, une sensibilité ou une démarche commune.
Cette mise en perspective est donc régulièrement thématique. Néanmoins, il ne s’agit pas de limiter la programmation à ce type d’approche, ni d’enfermer ces oeuvres dans des catégories artificielles ou des discours préétablis. Il s’agit de susciter, de soutenir et de favoriser l’expression de communautés ou de catégories de la population peu ou pas représentées dans les média traditionnels et dans la société en général ; par le développement d’analyses et de démarches, collectives ou personnelles, menées indépendamment des logiques de l’industrie audiovisuelle.
Axes programmatiques
Les programmations se conçoivent tels des rendez-vous, qui outre les films, apporteront une vie particulière (rencontres, débats, concerts, repas ?) et une convivialité. Une approche diversifiée et transdisciplinaire est souhaitable pour s’ouvrir à divers publics et pour densifier/complexifier/croiser différents langages/formes/approches d’une même question.
Une programmation n’est pas un projet individuel, elle engage le collectif et doit être pensée avec lui. D’où le refus de recourir à des curateurs et autres directeurs artistiques. Le Nova n’accueille pas de programmation "clef sur porte". Il est ouvert aux collaborations extérieures pour autant que l’esprit de cette collaboration soit le fruit d’un réel échange et coïncide avec l’objet social du Nova.
Le cinéma ne peut être dissocié/déconnecté de la vie, ou se superposer à elle. Il est important de se connecter et de se confronter avec les "mouvements sociaux" et tout le tissu associatif, créer des alliances, même passagères, tout en cultivant nos singularités.
Le Nova est un collectif (en perpétuel devenir) composé d’usagers (créateurs, producteurs, spectateurs ?) des média audiovisuels, militant pour une éducation critique à l’image et la démocratisation des moyens d’expression audiovisuels.
L’association entend favoriser l’accès aux groupes sociaux qui en sont coupés, qu’il s’agisse de minorités culturelles ou de cultures minoritaires. Les programmations du Nova se font par/en lien avec des personnes et collectivités concernées par les thèmes et cultures abordées sans toutefois se subordonner à des filtres institutionnels.
Une mise en pratique
La frontière entre les publics, les usagers et les membres est aussi ouverte que possible.
Le public est considéré non comme un ensemble de "consommateurs" passifs mais comme autant de singularités aptes à l’expression et à la création.
Le Nova désire composer avec la réalité hétérogène de Bruxelles, s’ancrer dans les réalités polyglottes et interculturelles de cette ville. Chaque spectateur du Nova y est un "acteur" potentiel. Il est composé de personnes aux origines, aux conditions et aux sensibilités différentes, chacune enrichissant le projet avec son expérience. Ce qui permet aussi de penser le projet en terme de "plate-forme" (lieu d’échange de différentes dynamiques), idée présente dès l’origine de l’association.
Mais les projets du Nova portent bien au-delà de cette région, suscitant notamment des mises en réseau à un niveau international différents échanges ou collaborations, entre personnes/subjectivités/singularités et collectifs ayant des approches ou des démarches similaires/affinitaires, ce pourquoi le Nova a opté pour la forme juridique de l’association (internationale) sans but lucratif. Ce réseau permet des échanges de savoirs, de pratiques et des mises en commun.
À propos du fonctionnement
Le Nova ne recherche pas le profit et ne se soumet en aucune façon au contrôle direct ou indirect de sociétés d’intérêts économiques ou commerciaux. Il ne se subordonne, de même, à aucun parti politique, syndicat, mandataire public, communauté, ni à une quelconque idéologie englobante.
Ressources financières
Dans cet esprit, l’association n’a jamais recours à la publicité et au marketing comme source de financement, que ce soit dans ses publications, ses programmations ou dans le lieu qui accueille ces dernières.
Le Nova n’agit pas comme un prestataire de service. Les prestations qu’il effectue pour des demandes extérieures doivent être en adéquation avec l’objet et le "Manifeste" du Nova, rester subordonnées à d’autres types de ressources, et ne pouvant avoir aucune influence sur la conception et l’indépendance du projet.
L’association pratique une politique d’accessibilité, en organisant notamment des activités gratuites et en veillant à maintenir au plus bas le tarif de ses activités payantes.
La relation aux pouvoirs publics
La plupart des activités du Nova ne seraient pas réalisables sans un soutien financier des pouvoirs publics, permettant au projet de ne pas être soumis à une logique de rentabilité. Le Nova considère comme légitime d’être évalué par ceux-ci, tant que cette évaluation porte sur des questions de processus et ne devienne pas une ingérence dans des questions de contenu. Plutôt qu’une évaluation de type "ascendante", le Nova plaide pour des pratiques de coévaluation, associant les instances subsidiantes aux associations et aux usagers. L’obtention de subsides publics ne doit ni conditionner ni modifier la démarche, le contenu, la ligne éditoriale ou encore le mode de fonctionnement du Nova, tels que ses membres les ont adoptés/définis/construits. Ainsi, le Nova n’entend pas renoncer à une vision multicommunautaire et interculturelle de Bruxelles. Ne se concevant pas comme la vitrine culturelle d’une quelconque communauté, il lui est donc indispensable d’être soutenu par toutes les instances ayant des compétences culturelles à Bruxelles. De même, le Nova affirme le caractère multiforme et transversal de son projet. Bien qu’il soit conscient que ce type de démarche est rendu difficile par le cloisonnement des politiques culturelles, il tente de ne se laisser enfermer dans aucun "secteur" d’activités, par aucune étiquette restrictive, ni par un cahier des charges trop spécifique qui placerait l’association dans une logique qu’elle n’a pas volontairement choisie.
Degrés d’implication
Le Nova repose en grande partie sur l’implication bénévole de ses membres et sur l’acquisition, le partage et la transmission de savoirs entre eux. Le collectif doit veiller à permettre que différents degrés d’implication soient toujours possibles en son sein. Au Nova, l’équilibre individu/collectif fait l’objet d’une recherche et d’un questionnement constants, notamment pour pallier l’usure du groupe et de ses membres. Son fonctionnement, détaillé dans ses statuts et dans son mode d’emploi, favorise/permet le travail en collectif et la participation de chacun à la prise de décision. Celle-ci s’effectue par "consensus" : le collectif se contraint, à partir d ?une attention particulière au dispositif de prise de paroles, à trouver une solution qui soit capable de prendre en compte les opinions/pensées de chacun.
La possibilité de passer d’une position à une autre, au sein de l’association, est une manière de permettre cette pratique collective. La polyvalence est dès lors encouragée, tant la réalisation des projets passe par différentes étapes nécessitant chacune des connaissances fort diverses. Des formes de spécialisation sont néanmoins possibles, car certaines tâches nécessitent notamment une expérience accrue qui ne s’acquiert que sur la durée.
Le Nova favorise une approche artisanale du travail. Il veut éviter les travers suscités par la "professionnalisation" qu’implique le recours au salariat. Il ne rejette pas pour autant le principe de la rémunération. Si une possibilité s’offre de procéder à une forme de rémunération, elle peut être mise en pratique à condition de ne pas amoindrir ou remplacer un fonctionnement collectif mis en place par et avec des bénévoles, de ne pas réduire à portion congrue les moyens destinés à réaliser les projets, ainsi que d’éviter de créer une trop grande dépendance à l’octroi d’une subvention. Quelle que soit sa fonction, une personne rémunérée ponctuellement ou régulièrement au Nova l’est pour soutenir la structure collective et décharger les bénévoles de certaines tâches.
Le bénévolat, qui s’est imposé comme une nécessité propre au démarrage d’un tel projet, en l’absence de moyens financiers suffisants, a apporté une richesse que le Nova tient à maintenir et à cultiver.